Philippe Beyer – Confitures Beyer

100 ans de passion du fruit de la transmission familiale au rayonnement international

On ne présente plus les confitures Beyer, chacun d’entre nous a déjà eu la chance d’avoir un pot à l’effigie de la marque haut-rhinoise sur sa table lors d’un petit déjeuner ou d’une crêpe party. Pourtant, connaissez-vous l’histoire de cette entreprise familiale qui enrichit aujourd’hui des tartines dans le monde entier ? Philippe Beyer nous a ouvert les portes du sanctuaire, le temps d’un échange convivial et fruité.

Philippe Beyer, pouvez-vous nous raconter l’histoire des confitures Beyer et comment vous êtes devenu centenaire ?

Ça a démarré il y a il y a très longtemps en 1909, c’est mon arrière-grand-mère qui, avec son mari, ont démarré la saga. Comme beaucoup de fabriques, nous avons déposé la marque en 1921 après la Première Guerre mondiale. Mon grand-père est arrivé ensuite, puis mon père, Jean-Pierre. Avec ma mère Christiane, ils ont repris l’entreprise en 1966, créant une rupture avec le métier de grossiste pour ne plus faire que de la confiture et des fruits en bocaux. À partir de 1992, nous avons commencé à nous agrandir et à développer commercialement la marque auprès de la grande distribution principalement. Aujourd’hui, Beyer est une belle PME d’une trentaine de personnes pour un chiffre d’affaires d’environ 9 000 000 €.

Vous avez développé un produit avec le CEED qui est le Centre Européen d’Ētudes du Diabète et avez été récompensé en mars 2022 par le trophée de l’innovation sociale et sociétale des DNA et du Journal l’Alsace. Comment vous est venue cette démarche ?

Nous avons d’abord redémarré les salons internationaux en 2016. Nos clients français n’étaient pas sensibles à la question du diabète. En revanche, tous les potentiels prospects étrangers rencontrés sur le salon à Paris nous demandaient si nous avions un produit sans sucre. Il est évident qu’une confiture sans sucre pour un confiturier, ce n’est pas simple.Il y avait déjà des 100% fruits sur le marché, mais ces produits ne répondaient pas à l’exigence du sans sucre. Cette question nous a été posée pendant plus d’un an. L’autre difficulté était que nous n’avions pas le droit d’appeler le produit confiture à cause de l’absence de sucre et de  saccharose. Nous n’avions droit qu’à la présence de fructose. Eric, un ami banquier qui, comme mon père, était atteint de diabète, me permit de rencontrer Michel Pinget, qui est le président du Centre Européen d’Études du Diabète. Il a axé sa vie à trouver des solutions pour les diabétiques. Venir chez un confiturier était déroutant pour lui. Nous lui avons partagé nos objectifs. Une osmose naturelle s’est très vite créée et un partenariat a vu le jour. Aujourd’hui, nous sommes mécènes du CEED et aidons Michel dans ses recherches, notamment au niveau du diabète 1 qui touche de très jeunes enfants. Aujourd’hui, nous avons vendu environ 600 000 pots, ce qui est incroyable. Aujourd’hui, le diabète touche plus de 500 millions de personnes sur la planète. Les pays les plus touchés sont l’Asie et l’Amérique. La cause n’est pas toujours la malbouffe. Une guerre peut également être un facteur déclenchant. Les effets peuvent ressortir parfois 2 ou 3 générations plus tard avec des effets diurétiques.

Quels sont aujourd’hui les enjeux pour la marque et son développement ?

Les enjeux pour la marque sont toujours les mêmes : exiger la meilleure qualité produit, se différencier même si un confiturier ressemblera toujours à un autre, et bien sûr, le 96%, à savoir les fruits à tartiner.Enfin, nous cherchons toujours à développer en France, la grande distribution étant notre premier client, puis l’export où nous avons démarré des livraisons à Hong Kong, aux Philippines, Suisse, Mexique, Indonésie, Nouvelle-Calédonie et Dubaï

Aujourd’hui, une cinquième génération va prendre le relais et perpétuer la marque, comment amorcez-vous ce virage ?

Ma sœur et moi sommes la quatrième génération.  Les enfants ont naturellement eu envie de venir, c’était leur choix. Anthony m’a fait une demande  pour de l’alternance 2 mois avant le bac. J’ai accepté avec le plus grand des plaisirs. Ils ignoraient comment je réagirai et ont été vite rassurés. Vint ensuite Nicolas qui était également en alternance dans le commerce à Strasbourg. Il s’est ensuite plus axé sur le contrôle de gestion. Sullivan, quant à lui, est monté sur Paris pour faire l’ESSEC. Il a intégré l’entreprise à son retour et s’occupe de la partie export. Les 3 frères sont aujourd’hui des couteaux suisses combinés. Ils connaissent l’entreprise, son fonctionnement et ses valeurs et ont toutes les clés en main pour que l’aventure continue. Delphine supervise toujours le contrôle administratif ainsi que l’organisation des commandes et des cuissons avec Nicolas. De mon côté, je m’occupe de préparer ma retraite et ça, c’est bien aussi.

Les confitures Beyer se vendent dans le monde entier. Comment devient-on une marque internationale ?

On devient une marque à l’international en proposant un produit spécifique avec un axe qui répond à des demandes différentes comme le fruit tartiné. Ici, l’axe c’est la santé et c’est une direction que l’on va faire évoluer sur les 2 prochaines années. De plus, Beyer, c’est un nom que l’on peut prononcer même en Chine, bien que je ne parle pas chinois. J’ai prédit il y a 3 ans, lorsque nous avions presque finalisé le produit, que nous ferions presque autant de fruits à tartiner que de confitures classiques d’ici 2025.

La transmission est-elle une tradition alsacienne ou française ?

Là, forcément, je vais être un petit peu piquant. Aujourd’hui, seulement 12% des entreprises sont transmises en France, contre presque 70% en Allemagne, 76% en Italie. Ce n’est pas dû à un manque de volonté de nos enfants, la raison est fiscale. Quand vous avez une entreprise qui vaut jusqu’à 100000€, c’est facilement transmissible, car fiscalement, c’est faisable. Quand vous avez une entreprise qui commence à valoir beaucoup plus d’argent, même si vous préparez votre transmission, la loi française vous autorise tous les 15 ans à donner 1 000 00€ à chaque enfant. Cela devient problématique, car lorsque vous disparaissez ou prenez votre retraite et que vous souhaitez léguer la totalité de l’entreprise, il y a un élément perturbateur qui s’appelle le fisc. Vos enfants héritent d’un bien sur lequel les impôts ont déjà été payés sur tout ce que l’entreprise a créé. Pourtant, souvent les enfants vont devoir faire un crédit. Ils vont ensuite devoir augmenter leur salaire pour rembourser cet emprunt qui ne concerne que des impôts. Au final, ça n’est pas profitable pour leur niveau de vie, ça n’est profitable que pour l’État. Ainsi, ils appauvrissent l’entreprise pour payer un héritage qui, selon moin devrait être exonéré, c’est celui de la transmission d’entreprise. Les autres pays sont beaucoup plus en phase avec cette notion de transmission. Par exemple, en Allemagne, si les enfants reprennent une société familiale pendant 10 ans, sans la vendre, les droits d’impôts, de succession sont ramenés à 0€. Pourquoi ne pas envisager la même chose en France ? On déplore le manque d’entreprises, mais dans ces conditions, le propriétaire d’une entreprise qui vaut de l’argent a plus intérêt à vendre qu’à transmettre et à enterrer ses enfants sous les dettes. La société sera alors reprise par une autre personne, souvent étrangère ou par un fonds de pension, amenant souvent une situation d’appauvrissement de l’entreprise. À chaque fois qu’il y a un rachat, c’est un appauvrissement, car cela revient à acheter deux fois le bâtiment, c’est une hérésie. Une entreprise a pour vocation de rapporter de l’argent.

Quel regard portez-vous sur l’emploi, l’entrepreneuriat en général en 2023 ?

Aux États-Unis, il faut une demi-heure et 2€ pour créer une entreprise. En France, il vous faut 6 mois. Vous tournez en rond, vous attendez des autorisations. L’administration française est extrêmement compliquée. D’autres pays, plus proches de nous, ont également une administration plus simple. Devenir entrepreneur aujourd’hui, c’est compliqué. En termes de taxation, quand vous démarrez, c’est également très compliqué puisque nous faisons partie des pays où les taxations sont les plus élevées. L’impôt sur les bénéfices est à peu près correct, mais il y a tout ce qui gravite autour. Intellectuellement, les choses doivent évoluer.

Comment voyez-vous l’agroalimentaire en 2023 ?

C’est un vaste sujet, je parlerai d’hygiène, car c’est un sujet qui revient souvent. Oui, il y a de la pollution, certaines usines ne sont pas très propres, mais globalement, je dirais qu’en France et en Europe, nous avons certainement une des situations d’hygiène les plus strictes par rapport à l’ensemble de la planète. Nos normes pesticides sont drastiques, et c’est tant mieux. En termes de sécurité alimentaire, il faut savoir qu’il y a plus d’accidents issus de la transformation ménagère que de la transformation industrielle. Alors bien sûr, on n’en parle plus quand c’est une pizza ou du lait issus d’une usine. Mais , il est important de relativiser, tout en restant extrêmement vigilants, et c’est notre mission. Je pense également que l’agroalimentaire français a une très, très belle image, déjà parce que nous avons de bons produits et parce que la sécurité alimentaire est au cœur de nos préoccupations.

Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui à un entrepreneur qui se lance ?

Courage ! On pourrait résumer ma réponse à un mot, mais je rajouterai : volonté, persévérance, il faut y croire, s’entourer de bons conseils et surtout, se débrouiller pour sortir la tête du guidon le plus vite possible. Il est important aussi d’avoir une vision globale, de voir les choses avancer, évoluer. Beaucoup d’entrepreneurs ont le nez dans le guidon en permanence, ils n’ont le temps de rien. Beaucoup disent travailler 15 heures par jour. Moi je pense qu’il faut qu’ils travaillent 5 heures sérieusement et le reste du temps, s’affairer à la réflexion, anticiper, être sur la veille concurrentielle. Et après ? Du courage, bien sûr.

Philippe Beye
Beyer S.A.S.
19 rue de l’Écluse – 68120 Pfastatt
03 89 52 22 33
www.beyer-fr.com

Une réponse

  1. ♕ E M O T I O N S

    Toutes mes félicitations aux organisateurs de ce premier évènement de réseautage professionnel Open qui a eu lieu le 4 octobre au Pantographe de Mulhouse. Vous êtes venus nombreux et avec le sourire pour participer à ce premier évènement qui a été une véritable réussite

    J’ai pu échanger lors de cette soirée avec Philippe BEYER que je tiens à remercier pour la qualité de nos propos.

    Au plaisir de se retrouver lors d’une prochaine manifestation

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