Sylvie Warth : Activ/rh

entre l’évolution du marché du recrutement et l’émergece des intelligences articificielles, quelle place pour l’humain dans nos entreprises ?

Quand on arrive dans les bureaux d’Activ/rh, on est tout de suite dans une ambiance cocooning et bienveillante. C’est avec une voix calme, douce et posée que Sylvie m’a reçu pour aborder un sujet qui résonne beaucoup actuellement dans les discussions : le recrutement. Outre l’idée de trouver le bon candidat au bon poste, ce métier vit une véritable révolution ces dernières années. Aujourd’hui, on ne bichonne plus l’employeur, c’est l’employé qui a pris la position de force et qui dicte les règles. Comment s’adapter à ce nouveau paradigme pour nos entreprises françaises ? Surtout à l’heure où l’Intelligence Artificielle semble vouloir mettre la main sur nos métiers cérébraux… Sylvie vous donne quelques réponses…

Bonjour Sylvie, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Bien sûr, cela fait 30 ans que je suis dans les RH. J’ai débuté très jeune, dès la sortie de l’école, par une expérience en tant que salariée dans le travail temporaire. J’ai occupé une fonction de consultante en recrutement, puis je suis devenue responsable d’agence et responsable de secteur. J’ai ensuite géré 15 agences, chacune spécialisée sur un métier précis. Ma motivation a toujours été de créer du lien humain. Très vite, mon employeur, Maurice Picoux, m’a amenée vers le développement personnel, un domaine pour lequel j’ai toujours eu une forte appétence. L’un des piliers de ma philosophie : c’est le « toujours mieux » qui permet le « toujours plus », et pas l’inverse.

Très vite, j’ai intégré des réseaux professionnels comme les Dirigeants Commerciaux de France puis le Centre des Jeunes Dirigeants. J’ai eu la chance de rencontrer le président national, Sylvain Breuzard, qui dirige aujourd’hui l’entreprise Norsys où il fait, selon moi, le mieux-vivre en France. Mon parcours est semé de rencontres exceptionnelles qui m’ont forgées en grande partie… C’est ainsi que j’ai eu la volonté de franchir le pas et reprendre Activ/rh en 2009. Tout est parti de l’envie d’être proche des dirigeants et de leurs problématiques. Je souhaitais vraiment les accompagner dans toutes les phases : dans le recrutement bien sûr, mais aussi dans les périodes de croissance ou de difficulté. Aujourd’hui, chez Activ/rh, j’ai à cœur de développer des prestations associées de médiation, de formation, de management et de coaching sur mesure.

J’ai créé le cabinet avec un objectif, celui de me spécialiser sur les métiers pénuriques. Ce terme est aujourd’hui très galvaudé mais, nous faisions partie des premiers à soulever ce problème. Pour répondre spécifiquement aux besoins des employeurs, j’ai mis en place plusieurs pôles : électricité, électrotechnique, mécanique, bâtiment ou encore comptabilité et finances.

Sylvie, vous êtes également connue au Parc des Collines de Mulhouse pour organiser des courses à pied. Comment cela vous est-il venu ?

Je me suis rendu compte, étant au Parc des Colline, que je ne connaissais pas mes voisins. Et comme je pratiquais régulièrement la course à pied, j’ai eu l’idée d’organiser une course conviviale le dernier jeudi du mois de juin, en allant taper à la porte des entreprises aux alentours. La première année a été une expérience assez drôle. Nous devions démarrer à 18h et voilà qu’à 17h50, un orage éclate. C’était affreux, je me suis dit que personne ne viendrait, nous avions alors 50 inscrits. Finalement, à 18h précises, il s’est arrêté de pleuvoir, un miracle. Nous étions alors 40 personnes, c’est ainsi que le Run a débuté. Aujourd’hui, nous devons limiter les places à 500 personnes et nous sommes 5 entreprises du Parc des Collines à organiser l’événement. La course, gratuite et non chronométrée fait 5 km, après quoi, nous offrons un bel apéro sportif et convivial, en musique. Mon objectif premier est atteint : faire du lien entre les personnes. C’est vrai plus que jamais : nous allons fêter les 10 ans du Run en 2024 !

Vous avez le label Lucie, c’est quoi ?

C’est un label environnemental qui est issu de la norme ISO 26000, donc très exigeant. Nous sommes déterminés, depuis 2011, à mettre l’aspect environnement et RSE au centre de notre démarche. Avec Sylvain Breuzard, je suis également personnellement engagée dans le réseau Etincelle qui a pour mission d’entraîner les jeunes dits «décrocheurs», qui sont sortis du système scolaire, sans diplômes ou avec une faible qualification. Je passe environ 2 jours par mois à chercher des mécènes dans le Grand Est. Aujourd’hui, Etincelle est salué par la Cour des comptes pour sa bonne gestion et ses résultats, et nous sommes présents sur toute la France. Redonner le sens du travail et des perspectives d’avenir à ces jeunes, c’est pour moi une belle réussite, car 92% des jeunes nous disent avoir retrouvé confiance en eux.

Aujourd’hui, nous constatons une véritable inversion des tendances, on ne courtise l’employeur, mais l’employé. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ? Quel est votre constat sur cette situation ? Selon vous, d’où vient cette nouvelle tendance et quel est son avenir dans le temps ?

Nous avons aujourd’hui une génération qui veut équilibrer davantage sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Contrairement à ce qu’on entend souvent, elle a émergé avant la crise du COVID, mais cette dernière a accéléré la tendance. Désormais, la valeur travail s’est inversée. Le télétravail a également le vent en poupe ainsi que les horaires décalés. Les aspirations sont tournées vers le temps pour soi, les loisirs, la famille, les amis. Les entreprises n’auront pas d’autres choix que de s’adapter à cette nouvelle société. Aujourd’hui, une personne commence à travailler en moyenne autour de 24 ans avec une vision de retraite autour de 65 ans. Dans la vie, il y a des étapes, des moments pour être concentré sur sa carrière, des périodes où on va fonder une famille, avoir des enfants ou l’envie de voyager et de découvrir le monde. Il y a donc des périodes sur lesquelles on peut avoir envie de ralentir parce que 45 ans, c’est long. Certaines personnes sont prêtes à réduire leur salaire pour bénéficier davantage de RTT ou de congés. Je pense qu’on va évoluer vers ce genre de cas de figure. L’adaptabilité de l’employeur constitue une des réponses les plus pertinentes. Les profils carriéristes engagés et fonceurs existent toujours, il ne faut pas se méprendre. Cependant, il faut sortir de la certitude qu’un cadre fera l’intégralité de sa carrière dans la même entreprise. Enfin, et c’est très important, les jeunes générations sont en quête de sens. Ils ont besoin de comprendre pourquoi ils font les choses et ce que cela apporte à la société, dans leur vie, pour la planète ou pour tout autre critère.

Maintenant, je m’interroge aussi sur le bien vivre ensemble et sur le temps restant pour la créativité dans les entreprises, la fameuse belle idée qu’on a au café, comme disait Steve Jobs. Car il ne faut pas oublier que 35 heures, c’est 35 heures de travail effectif.

Il y a certes une baisse de productivité depuis le COVID dans toutes les entreprises en Europe et particulièrement en France. Il est important de remettre un cadre. Le travail doit être épanouissant, mais c’est aussi un cadre qui structure et qui construit.

À l’heure où les entreprises françaises sont confrontées à une concurrence infernale intra et extra-européenne, on demande aux employeurs de jongler entre l’augmentation monstrueuse des prix de l’énergie, des matières premières et des nouvelles taxes qui fleurissent chaque jour. Et finalement, on leur demande d’ajuster le temps de travail en fonction du rythme de vie de leurs employés. Est-ce économiquement viable ? N’allons-nous pas finir par étouffer face au mondialisme qui produit moins cher avec une main-d’œuvre souvent corvéable à souhaits ?

Pour avoir de nombreux clients dans l’industrie et les services, je crois vraiment que lorsqu’on responsabilise les collaborateurs, qu’on leur donne des objectifs à atteindre et que l’on favorise la créativité en interne, on est capable de faire face aux problématiques de notre société. Les entreprises qui ont le moins de turnover et le plus de présentéisme sont celles qui pratiquent un management de proximité. Ces dernières années, nous avons vu naître un nombre incroyable de start-ups, c’est encourageant et c’est le signe d’une économie dynamique qui est capable de créativité.

Quels conseils donneriez-vous à un employeur pour ne pas confondre compréhension et laxisme ? Où se situe la frontière ?

La frontière, c’est de définir un cadre. Quand on est au travail, on fait ses heures, on est engagé contractuellement. Encore une fois, cela passe par la responsabilisation et par une approche managériale adaptée. Un employé peut faire du présentéisme et ne pas être présent pour autant. Je crois en la puissance du management de proximité. Par exemple, on voit ses collaborateurs très régulièrement pour faire le point sur leurs résultats. S’ils ne sont pas atteints, il est important de comprendre d’où vient le problème. Est-ce un souci personnel ou lié à l’entreprise ? Le rôle du manager est alors d’accompagner la personne pour qu’elle soit en réussite.

Aujourd’hui, nous voyons émerger un phénomène qui semble menacer directement un large champ de l’emploi, il s’agit de l’intelligence artificielle. Comment selon vous, l’humain peut conserver sa place et cohabiter avec ce nouveau concurrent hors normes ?

C’est un fait, il y aura des suppressions d’emplois. C’est inévitable. Chaque révolution industrielle a généré des suppressions d’emplois. Face à cela, nous allons également voir émerger toute une panoplie de nouveaux emplois. Un des vrais enjeux essentiels est le problème de l’environnement que l’IA seule ne peut résoudre et qui nécessite la création de nouveaux métiers – ne serait-ce que pour capter le CO2 et pour limiter le réchauffement climatique. Beaucoup de start-ups travaillent déjà dans ce sens.

Et puis il y a des professions comme médecin pour lesquelles la présence du professionnel est irremplaçable.

Dans ce cas, l’IA, qui apporte beaucoup en évolution technique, peut permettre aux professions médicales, et d’autres, de gagner du temps pour des échange de qualité. Certes, il faut s’adapter et se former désormais tout au long de notre vie, mais c’est aussi cela qui nous enrichit. Je crois plus que jamais à l’importance du lien et de la relation humaine.

Sylvie Warth
Activ/rh
32 rue Victor Schoelcher
68200 Mulhouse
recrutement@activrh.fr
03 89 56 92 40
activrh.fr

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