Pierre-Jean Ibba : Ed&n de Sausheim

Entretien avec un fabricant de rêves

« Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie ». Pierre-Jean Ibba en sait quelque chose. Comédien et artiste dans l’âme, il a voué sa vie à sa passion, mais de l’autre côté du rideau. Pour Open, il nous ouvre les portes de l’ED&N, salle emblématique qui a vu se produire les plus grands artistes et véritable tremplin pour les talents locaux. Nous restituons cette rencontre dans le monde de l’événementiel, de la magie et du rêve, où le temps s’arrête, le temps d’un rire ou d’une chanson.

Bonjour Pierre-Jean, qui êtes-vous ?

Je m’appelle Pierre-Jean Ibba, j’ai 56 ans, mon parcours est riche en expériences gratifiantes. Bien que je n’aie pas suivi exactement le chemin de vie que j’avais prévu, chaque étape m’a apporté satisfaction et épanouissement. J’ai débuté avec un CAP BEP en électromécanique, suivi d’un bac F3, puis j’ai poursuivi avec un DEUG en sociologie. Mon rêve était de devenir comédien, avec pour objectif ultime de rentrer au TNS. Cependant, en 1990, la paternité est arrivée, et depuis, j’ai eu trois autres enfants, ce qui fait quatre au total, une source infinie de bonheur pour moi en tant que père. Ma carrière professionnelle s’est déroulée avec passion, dans un domaine où les journées sont intenses, et où nous avons l’habitude de dire que nous recommençons une journée lorsque la plupart des gens achèvent la leur.

Je travaille dans le monde du spectacle, où nous sommes des créateurs de rêves, offrant aux gens des moments de bonheur à travers des spectacles et des événements d’entreprise. Pendant plus de 20 ans, avant de rejoindre l’ED&N, j’ai organisé des événements sur mesure, mettant en scène des comédiens pour animer des soirées allant de ludiques à sérieuses, avec de véritables scénarios. Par exemple, j’ai collaboré avec une entreprise qui se posait des questions sur la notion d’argent et d’appartenance à un groupe. Les employés se plaignaient suite à une baisse de l’intéressement, alors j’ai déployé des «ethnologues» fictifs dans chaque agence pour interroger les salariés sur leur perception de l’argent, des bénéfices de l’entreprise et de la redistribution. J’ai toujours été passionné par le théâtre forum et le théâtre d’entreprise, et j’ai toujours conçu des projets sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques. C’est lors d’une rencontre avec la Présidente de l’ED&N, qui cherchait un événement pour lancer la salle, que j’ai posé un premier pas dans cette direction. Il manquait alors un projet à ce lieu. C’est ainsi que j’ai fini par m’engager à l’ED&N et que le poste de directeur m’a été proposé. Il m’a fallu quelques mois pour accepter, car je ne m’imaginais pas diriger une association de gestion. Finalement, je ne regrette rien, nous avons tous travaillé dur pour créer quelque chose de solide à Sausheim.

L’ED&N, c’est quoi ?

La salle est tout simplement magique car elle est modulable. C’est un outil incroyablement polyvalent. Nous pouvons la transformer en un festival de rue en ouvrant toutes les parois latérales pour laisser entrer la lumière du jour, tout en protégeant le public de la pluie. Elle nous permet d’organiser des événements festifs pour les entreprises mais aussi des assemblées générales, des séminaires, des salons de toutes sortes, des spectacles de théâtre, d’humour, de magie, des concerts… Les configurations sont variées, avec des places assises, des places assises-debout, des espaces debout, voire même des zones avec des matelas, offrant une atmosphère atypique et confortable. C’est un outil formidable qui répond parfaitement aux besoins et aux attentes des visiteurs, que ce soit pour assister à un spectacle avec un simple billet ou pour participer à un événement d’entreprise. Nous disposons d’espaces pouvant accueillir de 50 à 2 500 personnes, offrant ainsi une grande flexibilité pour nos différents projets.

Quelle est la direction artistique de l’établissement ?

À l’ED&N, je prétends que notre programmation ne pourra jamais être exhaustive. Il est impossible de satisfaire tous les goûts et toutes les typologies de public. D’ailleurs, d’autres lieux dans notre région viennent compléter notre offre. Cependant, mon objectif est de proposer des spectacles qui attirent un public très diversifié. Je crois que notre salle a cette qualité et cette chance de ne pas être limitée par des thématiques ou des styles spécifiques. Quel est le lien entre le rock, la variété et l’opéra ? Quel est le lien entre la chanson française et le blues ou jazz américain ? Je pense que notre salle permet de transcender ces frontières. Lorsque nous organisons un festival de reggae, les jeunes qui viennent à l’ED&N sont souvent surpris par la diversité de notre programmation, qualifiant parfois notre salle de «suisse». Et lorsque nous accueillons des artistes tels que Mélody Gardot, Serge Lama, Véronique Sanson ou encore Christophe, il n’y a généralement aucun commentaire, car la qualité de la performance parle d’elle-même.

L’ED&N produit des grands artistes nationaux et internationaux, mais également des artistes locaux, comme la Camelote des Frangins Lindecker. Quel est le rôle, aujourd’hui, d’une salle de spectacle en tant que tremplin pour les artistes ?

Lorsque vous développez un outil tel que l’ED&N, qui acquiert une réputation et une aura, il est impensable de ne pas le mettre au service des artistes émergents, qu’ils soient professionnels ou non. Nous avons rapidement apporté notre soutien à des artistes locaux qui ont frappé à notre porte. C’est le cas des Frangins et de nombreux autres, certains étant loin du statut d’intermittent du spectacle, ignorant même ce que cela signifie et comment y accéder. Notre rôle est de les accueillir, de percevoir leur potentiel, en espérant qu’ils évoluent vers le statut professionnel. Il est important de souligner que, même avec tout le talent du monde, si l’objectif n’est pas de devenir professionnel, la collaboration peut prendre fin, car concilier deux métiers est difficile. Actuellement, nous avons de nombreux projets et nous sommes sollicités, avec la capacité de soutenir au maximum 4 ou 5 projets par an. Ces projets varient du rock à la chanson française, en passant par des créations et des compositions nécessitant une présence sur scène, etc. Certains projets rendent hommage à des artistes tels que Morane, et nous avons soutenu avec succès des projets comme celui-ci, mené par Christel Kern. Il y a aussi Marikala, avec un projet autour de Michel Berger et France Gall, intitulé «Débranche», qui promet également de captiver le public.

Quels sont les futurs projets pour la salle ?

À l’ED&N, nous sommes constamment en phase de développement. Depuis plus de trois ans maintenant, nous avons mis en place des initiatives de médiation. Grégory Ott, par exemple, se promène avec un piano mobile pour jouer dans les cours d’école ou dans les quartiers de Sausheim. Nous organisons également des spectacles à la colline de jeux en collaboration avec une association de parents d’élèves. De plus, nous intervenons dans les écoles avec plus de 15 intervenants pour un projet qui se déroulera à l’ED&N en juin, impliquant 6 classes.

Une salle de spectacle a un sens profond car elle favorise le lien social, suscite la réflexion et ouvre des horizons. Dans le domaine technique du spectacle, qui est davantage orienté vers les aspects techniques qu’artistiques (lumière, son et régie), la présence féminine est encore rare. Lors de nos médiations dans les écoles, nous soulignons souvent cette réalité. Le monde de la technique du spectacle est ouvert aux femmes, avec d’excellentes écoles en France pour le son et la lumière. Nous espérons qu’à l’avenir, dans 5 ou 6 ans, il y aura suffisamment de jeunes femmes prêtes à prendre la relève à l’ED&N.

À cet égard, nous avons plus de 65 bénévoles actifs sur tous nos spectacles publics, ce qui est une énorme réussite pour nous. Leur enthousiasme témoigne du fait que nous sommes sur la bonne voie, car lorsque les bénévoles ne se sentent pas investis dans un projet, ils ne restent pas. Nous avons peu de rotation de bénévoles depuis 15 ans et toujours de nouvelles demandes, ce qui est très encourageant pour l’avenir de notre salle.

L’ED&N a lancé le concept du «Bal d’Avent». En quoi cela consiste-t-il ?

Il s’agit de 12 soirées qui se déroulent au mois de décembre, à l’approche de Noël. Vous avez peut-être déjà participé à des bals de confréries ou au bal des commerçants, où chacun revêtait ses plus belles tenues pour passer un moment festif, rencontrer des confrères, des entreprises inconnues et établir de nouveaux contacts. C’est sur cette idée que repose le Bal d’Avent : des entreprises différentes viennent avec leurs collaborateurs, conjoints ou clients pour partager un moment festif, agrémenté d’un humour bien local grâce à Kewos, un jeune humoriste que nous soutenons. Ensuite, les Frangins Lindecker prendront le relais avec un spectacle dynamique pendant 2h30, comprenant plusieurs sets hyperactifs. Nous organiserons également un quiz où certaines tables pourront gagner des places. Enfin, en dernière partie de soirée, 3 DJ viendront animer chacun 4 soirées dansantes jusqu’à 1 h du matin, offrant ainsi un véritable moment de divertissement.

Cela fait des années que je voulais mettre en place ce Bal d’Avent, car de nombreuses entreprises nous appellent d’octobre à novembre pour des groupes allant de 10 à 40 personnes, cherchant à savoir ce que nous proposons. Sur chaque soirée, nous ne disposons que de 2 espaces : l’un pouvant accueillir jusqu’à 40-50 personnes maximum et l’autre jusqu’à 150 personnes. Avec ces 12 soirées et 47 tables de 10 personnes par événement, nous répondons à la demande des entreprises en recherche d’un lieu pour organiser un repas et se réunir en fin d’année dans une ambiance conviviale.

Concernant toujours les entreprises, vous proposez également l’espace partenaire. Comment cela fonctionne-t-il ?

Si vous êtes chef d’entreprise ou décideur et que des artistes tels que Michaël Gregorio, Pascal Obispo ou des humoristes vous intéressent, nous réservons des places ou des rangées pour vous, que ce soit en numéroté ou en placement libre. L’idée est simple : nous bloquons des places pour les entreprises. Par exemple : un entrepreneur qui souhaite récompenser ses collaborateurs, passer un moment privilégié avec eux, profiter d’une occasion spéciale pour annoncer quelque chose d’important dans l’entreprise ou remettre des médailles de travail… les possibilités sont vastes, et il n’y a pas de liste exhaustive possible.

Nous répondons également aux besoins des entreprises qui souhaitent faire du business, inviter leurs clients à assister à un spectacle de renom dans une salle comble, avec des toasts et du champagne pour un moment exceptionnel agrémenté d’une touche sucrée. En tant qu’ancien commercial Grand compte dans une entreprise de grande envergure, j’ai moi-même vécu ces expériences. Inviter nos clients en loge pour des moments festifs, sportifs ou culturels particuliers avait un impact très positif sur mon activité commerciale. C’est extrêmement bénéfique de pouvoir offrir à ses clients, parfois accompagnés de leurs conjoints, une expérience différente, une pause dans le cadre habituel des affaires. C’est quelque chose qui est toujours très apprécié.

Comment se porte aujourd’hui le monde du spectacle en France ?

Le monde du spectacle en France se porte bien selon moi. Nous organisons entre 50 et 70 spectacles par an, ce qui témoigne d’une activité dynamique. Nous prenons de vrais risques en programmant des spectacles pour lesquels nous ne nous demandons pas si ça va fonctionner ou non, ainsi que des productions d’artistes locaux. Nous accueillons également des spectacles amateurs, dont un gospel de très haute qualité à venir, où la majorité des chœurs sont des amateurs. Nous travaillons depuis des années avec une chorale exclusivement composée d’amateurs qui excelle dans ce qu’elle fait. Nous offrons donc une grande diversité de spectacles, mais nous ne pouvons pas forcer les gens à venir. Par conséquent, certains spectacles affichent complet sans difficulté, tandis que d’autres rencontrent des défis de remplissage.

Le spectacle vivant est le meilleur moyen de favoriser les interactions sociales, d’animer le débat ou simplement de vivre une expérience émotionnelle utile pour avancer.

 

Pierre-Jean Ibba
L’ED&N
20A rue de Jean de la Fontaine
68390 Sausheim
accueil@eden-sausheim.com
+33 3 89 46 83 90
eden-sausheim.com

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