Daniel Jakubzak
Club Affaires
Il parait que l’expérience ne se transmet pas,
Daniel relève le défi !

Faire la quasi intégralité d’une interview avec une seule question, ce n’est possible que lorsque la réponse nous est offerte par Daniel Jakubzak. Si vous êtes entrepreneur et que vous ne le connaissez pas encore, c’est que vous devez travailler votre réseau. Véritable artisan des con-nexions professionnelles, créateur de rencontres ou encore visionnaire au sourire de velours, il est unique dans ses mimiques, dans son parcours et dans sa capacité d’intérêt pour les autres. Il se qualifie de dinosaure, chez Open, nous parlerons d’un sage 2.0 qui fait don de son expérience hors du commun, un témoignage d’espoir pour les jeunes créateurs.

Bonjour Daniel, peux-tu m’expliquer succinctement qui tu es et ce que tu fais ?

Oui, je suis le profil même du chef d’entreprise qui a créé des sociétés toute sa vie durant et qui aujourd’hui s’est lancé un défi, celui d’accompagner des projets de start-up françaises qui sont bien établies en France et qui souhaitent se développer en Suisse et en Espagne. J’ai 71 ans et un diplôme d’expert-comptable. En fin de compte, la vie fait ses propres choix. À une époque, lorsque tu présentais un CV, tu étais immédiatement embauché et moi je voulais rentrer dans une multinationale qui s’appelait IBM. Du jour au lendemain, je suis rentré dans une société qui s’appelle Yves Rocher pour laquelle je me suis occupé de l’implantation des points de vente en France, puis en Allemagne. C’est ainsi que j’ai rencontré mon épouse qui tient un de ces points de vente depuis 40 ans. D’ailleurs, ce dernier est toujours en progression et qu’on ne me dise pas qu’un point de vente situé en centre-ville ne fonctionne pas. Un jour, je dis à mon épouse que nous allons déménager en Allemagne pour implanter de nouveaux points de vente Yves Rocher. Elle a catégoriquement refusé, me disant qu’elle était franc-comtoise et qu’elle resterait en Franche-Comté. J’ai donc démissionné. Nous avons mis 6 mois à me remplacer. Le transfert de compétences aidant, je suis resté 6 mois et je me suis retrouvé dans une ville fantastique qui s’appelle Montbéliard. Je ne la connaissais pas du tout et j’étais prof dans l’éducation nationale au lycée Cuvier, dans le domaine de la comptabilité, du droit commercial. Au bout de 12 mois, je reçois un appel téléphonique d’un camarade de promotion qui me propose un poste chez IBM.

Après 12 mois d’école, je me retrouve dans un groupe de 30 personnes, toutes d’un niveau bac +4. Ne sachant pas dans quelle agence on pouvait être muté, j’ai choisi Strasbourg. Personne n’en voulait, lui préférant Marseille, Bordeaux ou Nice. J’ai donc travaillé sur l’implémentation de solutions informatiques auprès de PME/PMI, sur le sud Alsace et sur le nord de la Franche-Comté pendant 7 ans. En 1992, j’ai décidé qu’il était temps de monter ma première entreprise avec des copains. Tout le monde se lançait dans le domaine de l’informatique, on ne s’appelait pas start-up, mais on s’appelait jeune pousse. Il y avait un tsunami de besoins d’implémentations de solutions de gestion dans la comptabilité, la paie, la facturation et la gestion de production. Nous étions 5 associés en 1992 et 115 en 2002, soit 10 ans après seulement. La bulle Internet était au plus haut, tout se vendait pour un oui ou pour un non et nous étions sollicités par un groupe qui était à Grenoble.  Nous qui voulions nous lancer sur un projet d’entrepreneuriat, nous étions à nouveau dépendants d’un groupe qui nous dictait notre façon de voir les choses. J’ai décidé de rebondir en créant une nouvelle entreprise de vente de véhicules professionnels à Munich, ce qui générait de nombreux allers- retours, sachant qu’Easyjet n’existait pas, nous prenions les trains de nuit. L’entreprise a été vendue 3 ans après, ce qui m’a permis de lancer une activité sur Belfort, Besançon et Mulhouse dans d’implémentation de solutions de gestion et de comptabilité, qui s’appelle AJC INFO et qui existe toujours.

En 2012, je me suis consacré à mon activité de mise en avant des projets de création d’entreprise. J’ai immédiatement été élu à la Chambre de Commerce de Belfort qui était le siège de l’entreprise. J’ai également créé la structure du club des créateurs repreneurs d’entreprise. Très rapidement, j’ai été sollicité par une structure d’accompagnement à la création d’entreprise qui s’appelle « Initiative France », dont le président était Louis Schweitzer, ancien patron de Renault, originaire de Kaysersberg et neveu du célèbre Albert Schweitzer. Il a été remplacé en 2015 par un monsieur que vous connaissez tous, Guillaume Pepy, ancien patron de la SNCF.

J’ai ensuite été sollicité par un syndicat patronal, la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), dont j’ai été un des acteurs de la création et administrateur avec un certain nombre de mandats, dont un pour une structure qui est complètement inconnue, le Koparev qui regroupe tous les mois, tous les acteurs des syndicats patronaux et des syndicats salariés sur un thème autour de l’emploi et de la formation. J’ai également été, pendant 2 ans, Président de cette structure. Très rapidement, j’ai été sollicité pour être juge au Tribunal de Commerce. Ce sont des chefs d’entreprise qui sont cooptés et qui suivent une formation dans des audiences qui regroupent 3 juges pour prendre des décisions en commun de manière anonyme.

Durant la même période, je suis rentré au Rotary et pendant cette période de COVID, j’en ai pris la présidence pendant 3 ans sur Belfort Montbéliard. Nous avons œuvré sur diverses actions telles qu’éradiquer la poliomyélite en France ou accompagner des opérations contre le cancer. Nous avons également accompagné des structures comme les Restaurants du Cœur.

Pour ce qui est de la création du Club Affaires en 2012, nous sommes partis sur un constat d’échec avec le président de Chambre de Commerce de l’époque, lors d’un déjeuner avec 3 patrons emblématiques des grosses industries sur la région. Nous avons commencé à parler d’échanges. Je savais que ces personnes avaient les mêmes préoccupations d’emploi, d’embauche et bien sûr aussi d’évolution de carrière. Ils ne se connaissaient pas, ils ne s’étaient jamais vus et n’avaient jamais échangé. Je me suis dit qu’il fallait mettre en place un déjeuner mensuel, le dernier vendredi de chaque mois, sous forme d’une plateforme d’échange en 3 temps. Le premier étant un apéritif de réseautage dans lequel on échange des cartes de visite. Le second temps est celui de la présentation d’entrepreneurs par pitch commerciaux qui sont souvent révélateurs du dynamisme de l’entreprise. Enfin, le troisième temps est la finalité de ces rencontres par le biais d’un déjeuner. Aujourd’hui, nous savons que 1711 personnes différentes sont venues au moins une fois au Club Affaires.  Romain Peugeot m’a demandé d’intervenir lors d’un de ces déjeuners qui avait lieu au musée de l’Aventure Peugeot, il nous a parlé de son accompagnement d’une équipe féminine de handball sur le pays de Montbéliard. Voilà un exemple des opportunités de rencontres que propose le Club Affaires. Cela fait partie d’un tout, l’idée est de permettre aux entrepreneurs de se rencontrer. Je ne suis pas comptable des opérations économiques qui ont été réalisées, mais force est de constater qu’il y a eu énormément d’échanges qui ont eu lieu lors de ces différentes manifestations.

Aujourd’hui, je suis sollicité par des personnes qui sont en train de lancer un projet et qui me demandent mon avis sur la façon dont il faut qu’ils évoluent. Je leur fais bénéficier de mon expérience. Je vois ce qui va se passer dans les 5 prochaines années en termes de dynamique. Je vous cite un exemple : chat GPT, je l’ai présenté à ma fille qui sait tout, qui a tout vu, qui est fantastique, mais qui ne sait pas forcément tout. En septembre 2022, on n’en parlait pas du tout et 3 semaines après elle me dit « Ton truc c’est pas mal ». À partir du mois de novembre, la presse en a parlé et peu de temps après, la version 4 était disponible. C’est un chamboulement fantastique, même si 30% des emplois actuels n’existeront plus en 2030. Que ce soit au niveau de la sécurité informatique, de l’intelligence artificielle, mais aussi de l’hydrogène, du luxe ou de l’aide à la personne, je suis constamment éveillé aux évolutions technologiques et sociétales de l’économie. Pour ce faire, j’ai 2 alliés, mes 2 enfants qui sont pharmaciens et participent à m’accompagner dans cet exercice de veille.

Il est impératif de s’intéresser à ce qui se passe aujourd’hui dans les tiers lieux. Un tiers lieu, c’est un lieu qui regroupe les mondes de l’université, de la recherche et de l’entrepreneuriat. Il suffit de pousser la porte et de venir avec un projet pour y trouver de l’aide. Un exemple de tiers lieu sur Mulhouse, c’est celui du KM0. À Sochaux, nous avons le Mattern Lab qui est un peu plus récent. Enfin, à Belfort, il y a le Crunch Lab que je vous invite à venir voir, c’est un local qui faisait 100 m² et qui en fait 1500 aujourd’hui. Ces lieux constituent un véritable focus pour moi.

Voilà donc mon activité à ce jour. Lorsque des personnes viennent me demander ce qui va se passer dans 2 ans, je réponds présent, car il n’y a pas de mauvais ou de bons projets, c’est la manière dont ils vont être appréhendés qui provoque la réussite ou non. L’argent ne doit pas être un souci, il est là, il existe. Ce qui est important, c’est le temps nécessaire pour lancer votre projet.

Quel Conseil tu donnerais aujourd’hui à un jeune entrepreneur qui se lance ?

Il y a pas un conseil plus qu’un autre, mais je pense qu’il faut prendre le temps de bien constituer leur dossier, de faire une étude de marché solide. Ensuite je leur dis de s’entourer de tous les acteurs économiques nécessaires dans la mise en place de leur projet et de commencer peut-être à trouver un parrain, cela peut être un notaire en retraite, un expert-comptable qui n’est plus en activité, mais qui s’embête chez lui, qui en a marre d’aller jouer au golf et de partir au Club Méd toutes les semaines. Ce dernier va s’investir avec vous, il ne vous demandera rien. Pour lui, c’est un plaisir de vous accompagner dans cette démarche. Donc écoutez-les parce que ces personnes sont les fers de lance de votre projet, ils vont vous aiguiller, vous donner un certain nombre de recommandations et de conseils. Il y a des choses qui sont à portée de votre main, des dinosaures qui passent devant vous et vous ne les voyez pas, ne les consultez pas. Pourtant ils sont là, il suffit de se baisser et de leur demander. Les créateurs d’entreprise sont parfois trop rapides dans leur démarche, ils ne prennent pas le temps de la réflexion ou de faire un 360°. Ils vont vite dans un souci de rentabiliser vite, de sortir leur salaire. Il est impératif de s’entourer de personnes envers lesquelles on a une totale confiance. Il y a 4 ou 5 ans, j’ai connu une belle start-up de 3 associés, des jeunes très bien. Leur projet était remarquable, ils étaient 17 salariés, leur carnet de commandes était rempli et leurs bénéfices d’exploitation remarquables. Puis, ils ont déposé le bilan. Pourquoi ? Parce qu’ils ne s’entendaient plus et commençaient à se déchirer. Ils n’avaient pas mis en place le pack d’associés.

Peux-tu nous faire part d’une anecdote qui t’a particulièrement marqué sur ton parcours ?

Je vais vous citer une anecdote qui est relativement simple. Nous sommes le 24 décembre avec ma fille qui sait tout, qui a tout vu, qui est la plus intelligente du monde, ainsi que mon fils en train de marcher dans une station de ski aux Herbiersen Savoie. Il n’y a pas 100 000 personnes dans la rue, il y a une dizaine de personnes qui se promènent. Nous avançons doucement à petits pas et en face de moi, je vois la physionomie d’une personne et je devine tout de suite qui c’est. Je lève le bras gauche, je lui dis « Hi » et la personne se retourne. C’était Richard Branson. Son fils lui a emmené son petit-fils qui a pleuré toute l’après-midi. Excédé, il me dit : « Prenons une bière ensemble ». Il a ensuite voulu nous vendre une place dans l’espace à 500 000 $. Nous lui avons proposé de nous recontacter l’année prochaine. Depuis, nous nous voyons tous les ans le lundi de Pâques aux Herbiers où on échange.

Daniel Jakubzak
Club Affaires Nord Franche Comté
jakubzak.clubaffaires@gmail.com
+33 7 87 14 73 79

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