Isabelle Manz – Intermarché

La relation humaine, tout simplement…

Isabelle Manz est une entrepreneuse, une mère, une femme qui vibre au rythme de sa sensibilité et de ses valeurs. Indépendante dans l’âme, elle connait les réalités de la vie, elle sait comment on se bâtit et comment on avance, étape par étape et elle connaît aussi la frustration et le renoncement. Open l’a rencontré, le temps d’un échange sur elle, son parcours, quelques regrets, mais aussi et surtout, la réussite de sa vie professionnelle et personnelle. Il n’y a pas de chemin sans embuche, mais ce n’est pas la finalité qui compte, c’est le voyage.

Bonjour Isabelle, qui êtes-vous ?

Je m’appelle Isabelle Manz, je suis adhérente Intermarché depuis 2007, j’ai d’abord repris les enseignes de Volgelsheim, puis Ensisheim, accompagnée par mon conjoint et nos 2 enfants ont suivi. Ludovic gère Ensisheim. Ma première fierté, ce sont mes enfants.

Dernièrement, nous avons été contraints de vendre le magasin de Volgelsheim après avoir tenté, sans succès de trouver un accord avec les Mousquetaires sur le sujet du rachat. Nous étions censés acheter depuis longtemps, mais ils n’ont pas joué le jeu et, au bout de sept ans, ils voulaient nous les vendre au double du prix. Mon conjoint n’étant pas d’accord avec ce prix, cela a mis fin aux négociations. Nous avons donc décidé de nous focaliser sur Ensisheim, sur lequel nous allons doubler la surface de vente en vue d’une reprise par notre fils. Nous allons également accompagner ce dernier sur ce chantier qui représente tout de même 1 an de travaux et démarrera en septembre, ce qui nous renvoie en 2025.

Votre parcours professionnel s’est fait étape par étape, pouvez-vous nous en parler ?

Je suis issue d’un CAP. En sortie de troisième, mes parents m’ont imposé de trouver un apprentissage alors que j’aspirais à partir en sport études. J’étais qualifiée en course à pied, je faisais partie du SMEC de Metz. J’ai donc passé un CAP de vendeuse et depuis, j’ai toujours travaillé. J’ai longtemps pratiqué plusieurs emplois, ce qui m’a permis d’économiser, car depuis toute petite, j’ai compris qu’il n’y avait rien sans rien et que quand on veut, on peut. Il faut juste se donner les moyens. Et j’ai eu la chance de rencontrer mon compagnon qui m’a suivie et qui a accepté mes choix. Quand je l’ai connu, il n’avait rien, même pas le permis. Nous nous sommes construits ensemble et cela fait 40 ans. Je suis quelqu’un de très indépendante, par conséquent, j’ai toujours répondu négativement à ses demandes en mariage jusqu’à la dernière fois où j’ai dit oui, mais sans m’engager sur une date. Ça viendra donc un jour, je ne sais juste pas quand. Ce que je veux dire, c’est que cette indépendance m’a aidée à m’affranchir de certaines choses et a été un moteur dans ma carrière. À l’âge de 40 ans, nous avons vu une annonce de recrutement d’Intermarché sur le journal, il y avait un salon à Nancy. Nous nous sommes présentés à l’Intermarché le plus proche. L’adhérent nous a dit de téléphoner à Pagny-sur-Meuse pour avoir un rendez-vous, ce qu’on a fait. Les entretiens se faisaient auprès des adhérents, ce qui nous a plu. Nous avons enchaîné avec 6 mois de formation. Nos économies ont alors pris tout leur sens et ont servi d’apport personnel. Il nous fallait un minimum de 200 000 €. Nous avions toujours eu la volonté d’être à notre compte. Aujourd’hui, nous sommes près de 4 000 adhérents.

Comment définissez-vous l’indépendance d’un entrepreneur et quel est le prix de cette liberté ?

On passe notre vie au travail. Sur le site de Volgelsheim, je débutais ma journée à  8h30 et je n’avais pas d’heure de fin. Je ne rentrais pas à midi, je travaillais toute la journée. Pour le site d’Ensisheim, c’est un peu différent, nous sommes moins impliqués puisque c’est notre fils qui gère. Voilà donc le prix à payer, c’est principalement du temps. En revanche, l’indépendance, c’est de pouvoir faire ses propres choix, piloter son entreprise dans la direction qui nous convient avec des valeurs qui nous parlent.

Et la transmission, comment ça se passe ?

Nous essayons de ne pas nous immiscer dans les choix et dans l’organisation de Ludovic. Nous sommes là en support et jouons un rôle de conseil. Il souhaiterait que nous l’accompagnions sur plusieurs dossiers, tels que la négociation auprès des banques ou des fournisseurs pour les travaux. Tout ça, c’est nous qui le faisons. Lui ne s’occupe que du terrain, en fait. À l’origine, mon compagnon était boucher. Ludovic s’occupe principalement de l’opérationnel, la dynamique commerciale, le social, ainsi que le partenariat avec nos associations sportives ou autres.

On sent que la relation humaine est importante pour vous, comment cela se matérialise-t-il dans votre entreprise ?

Le but pour nous est que tout se passe pour le mieux avec les employés, parce que l’ambiance dans le magasin se ressent sur les clients. Si elle est bonne, les gens le perçoivent et c’est contagieux. C’est également le cas à l’inverse. Nous ne sommes pas une équipe énorme, il est important de travailler sur cette proximité avec les gens pour créer du lien. Ça passe par une écoute, mais également par des petites choses comme le fait de s’intéresser à qui ils sont, organiser un barbecue pour faire descendre la pression et se voir dans un autre cadre. Entretenir ce lien est essentiel, car il génère un climat de confiance qui est important pour les deux parties.

En quoi les Mousquetaires est en phase avec votre vision de l’indépendance et vos valeurs humaines ?

C’est un magasin de proximité, de petite taille et surtout à taille humaine. En théorie, tous les 17 à 20 kilomètres il y a un Intermarché. Nous en avons moins en Alsace. Nous sommes dans une région à forte densité commerciale et frontalières c’est pour cela que nous avons moins d’Intermarché que dans le reste de la France. Mais cette règle est valable dans les autres régions. Donc, cette idée de petite structure me correspondait parfaitement, car elle me permet d’être plus au contact de mes équipes et de mes clients. Cela me permet également d’avoir une part de gestion plus importante et plus d’autonomie sur les différents postes de management. J’ai un plus grand pouvoir décisionnaire. Chez Intermarché, nous ne sommes pas franchisés, mais adhérents, ce n’est pas la même chose. Un franchisé est un entrepreneur indépendant qui achète le droit d’utiliser le nom commercial, le modèle commercial et les produits d’une marque de supermarché. Un adhérent, en revanche, est généralement associé à une coopérative ou une association de commerçants. Il adhère à un groupe qui possède et exploite les supermarchés sous une bannière commune. Contrairement au franchisé, l’adhérent n’achète pas le droit d’utiliser la marque. Au lieu de cela, il est membre de l’organisation qui la possède et participe aux décisions collectives concernant la direction de l’entreprise.

Le contrat que nous signons nous impose de faire un tiers de notre temps pour le groupement, c’est-à-dire pour recruter d’autres adhérents, pour aller faire des négociations à Tréville. Durant un temps, j’étais à l’UDM, je m’occupais du recrutement des nouveaux arrivants et je préparais les formations. Aujourd’hui, je suis maître de stage, je peux recevoir les futurs adhérents dans les points de vente pour les former et leur faire découvrir le terrain. C’est une forme de mentorat, et donc, du lien humain, et j’aime ça. L’esprit d’entraide est très présent dans le Groupement. Nous entretenons même un groupe Whattsapp sur lequel nous échangeons régulièrement.

Nous avons également un attachement tout particulier à aller au contact de nos fournisseurs et des producteurs locaux. C’est important dans notre processus de vente. Nous sommes des commerçants avant tout, avec ce désir de connaître et de comprendre nos produits.

À quoi ressemble la journée quotidienne d’un dirigeant de supermarché ?

Cela consiste déjà à parler à tous les employés, à avoir une vision d’ensemble et de superviser simultanément tous les postes du magasin. Mon conjoint, par exemple, arrivait toujours à 5 h sur le point de vente afin de tout préparer. Il rentrait se coucher vers midi et revenait l’après-midi. Moi, j’arrivais plus tard, mais je restais toute la journée et je rentrais le soir quand tout était fait, pas avant. Et lorsqu’il manque du monde, on les remplace. Ce sont donc des journées très intenses. Nous devons être capables de tout voir en même temps, d’apporter des réponses rapides, tout en maintenant un rythme continu sur la journée et en faisant en sorte que le client bénéficie du meilleur service sans se rendre compte, à aucun moment, de tout ce qui se passe en coulisses. Et par-dessus tout, il faut connaître parfaitement son métier pour pouvoir remplacer tous types de postes.

Les grandes surfaces sont au cœur de l’actualité et attendues au virage sur la question de l’inflation. Comment répondez-vous aux attentes de l’État et de la clientèle ?

Déjà, nous essayons toujours d’être au plus juste prix pour les clients. Cela passe par la négociation. La difficulté est que nous devons également penser à nos fournisseurs qui doivent également gagner leur vie, ainsi qu’à nos employés et nous-mêmes. C’est une gymnastique permanente. Lorsque tout le monde essaie de faire au mieux, et c’est le cas avec nos fournisseurs, on y arrive. Nous avons également la politique de maintenir au maximum les marges de nos producteurs locaux. C’est la raison pour laquelle nous commercialisons la marque Merci ainsi que d’autres marques, nous avons créé notre concept «Producteurs d’ici» pour être au plus proche de nos producteurs locaux. Ce qui nous pose problème aujourd’hui, ce n’est pas un secret, ce sont les charges. Nous pouvons faire toujours plus d’efforts, mais si les charges ne cessent d’augmenter, le serpent se mord la queue. Et nous, patrons, ça ne nous permet pas d’augmenter les salaires.

Les dirigeants de grandes surfaces ont souvent projeté l’image de s’engraisser dans leur bureau. La réalité est toute autre. Nous n’acceptons pas d’être pointés du doigt, y compris par les politiques, sur la hausse des prix. Il y a une multitude d’intermédiaires à prendre en compte, nous ne faisons pas ce que nous voulons. Nous appliquons les prix qui nous sont donnés. Ces derniers sont négociés au mieux, et nous faisons partie des meilleures renseignes à bas prix. Nous affichons encore plus de 1 000 produits sur lesquels nous n’avons aucune marge, justement pour permettre aux gens de remplir leur caddie avec des produits de première nécessité. Nous n’avons aucunement à rougir, nous faisons largement notre part.

Selon vous, quel est l’avenir des grandes surfaces face à l’essor de la concurrence d’Internet et surtout si on envisage que demain des géants comme Amazon pourraient se lancer dans la vente de produits alimentaires ?

Je pense que ça va être de plus en plus compliqué parce qu’il y a quand même énormément de gens qui commandent sur Amazon malheureusement. Beaucoup de boutiques ont fermé à Colmar pour cette raison. Je pense également que les petites structures comme la nôtre souffrirons moins, en raison de cet aspect de proximité.

L’idéal, pour nous, serait que les mentalités changent. Je pense aussi que l’État devrait jouer un rôle de régulateur, afin d’enrayer ce phénomène de monopolisation des marchés par des megastructures, au risque de les bloquer. Nous avons tous besoin de travailler.

Cela dit, et c’est ce que j’observe depuis des années, les gens ont et auront, je pense, toujours besoin d’échange humain. Internet ne nous enlèvera pas cet aspect de proximité, de rencontres, de partage. C’est ce que j’aime dans mon métier, on continuera de le faire avec cœur !

 

Isabelle Manz
Intermarché Rue de Pulversheim
68190 Ensisheim
+33 3 89 26 40 80
intermarche.com

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