Didier Finck & Ludovic Zussa : Apose

le 100% français, c’est la conviction qui refuse le compromis

Cocorico ! Le Made in France est dans toutes les bouches et tous les coeurs. Cependant, dans l’univers de l’horlogerie, seules deux personnes peuvent se venter d’être 100% en phase avec leurs valeurs de production locale. Apose a fait le choix de renoncer aux compromis, d’assumer, d’assurer et d’aller au bout de la démarche. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la marque répond à toutes les attentes. Forgés à la rigueur suisse et au rafinement français, Didier et Ludovic représentent ce que notre pays a de plus beau en termes de savoir-faire. Et c’est avec fièreté qu’Open les a rencontré.

Bonjour Didier, pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel ainsi que de celui de Ludovic ?

Nous sommes issus de 10 ans d’expérience dans l’horlogerie suisse. Pour ma part, j’étais responsable du design dans un grand groupe horloger. Ludo, quant à lui, était responsable du pôle industriel. Il était donc en charge d’industrialiser ce que je designais. Au bout de 10 ans, nous avons décidé de quitter la Suisse avec le pari de prouver qu’il était encore possible de créer une montre haut de gamme en France. Nous avons lancé une première collection à 80% française. Notre pari n’était donc pas encore atteint car nous nous sommes rendus compte qu’un certain nombre de savoir-faire s’étaient perdus en France. Il nous a fallu une année pour réindustrialiser certaines pièces et arriver à la seule montre 100% française au monde qu’on présente aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer la marque Apose ?

À l’origine, une volonté commune de prouver qu’il était possible de créer une montre 100% française. Nous partions souvent en déplacement ensemble et c’est en Italie que l’idée a émergé de créer cette marque. Personne ne faisait de véritable fabrication française dans le milieu horloger et on voulait revenir à l’essentiel de la montre. En Suisse, nous avons vraiment connu l’extravagance, dans le sens où ils rajoutent beaucoup de complications sur leurs montres, ce qui en justifie aussi le prix. Ils sont très forts dans ce domaine. Nous voulions vraiment aller à contre-courant de tout cela en proposant une montre qui revienne à l’essentiel de sa fonction première : donnez l’heure. Nous désirions également créer une identité forte. Cette volonté nous a amené à penser un design différenciant ni rond, ni carré.

Comment réalise-t-on une montre 100% française en 2024 ?

C’était compliqué, surtout au début. Il faut comprendre qu’aujourd’hui on est le chef d’orchestre de 15 manufactures. Il y a tout d’abord eu un gros travail de sourcing pour trouver des fournisseurs capables de travailler pour nous. Puis, il a fallu les convaincre de travailler pour une jeune marque qui arrive sur le marché. La confiance n’était pas forcément là. Aujourd’hui, nous avons posé notre crédibilité, réussissant notre pari sur ce point. Si vous souhaitez réaliser une montre en Chine, vous aurez un seul interlocuteur pour gérer l’intégralité du projet. En France, c’est compliqué, car les entreprises intègrent moins de bureaux d’études. Cela nous oblige à créer tous les plans techniques et les plans tolérancés afin de les transmettre aux fournisseurs. Grâce à nos compétences et notre expérience, nous maîtrisons ces process en interne. Cela nous a donc permis de créer la montre en France. Nous avons également détourné certaines techniques pour pouvoir créer certaines pièces, comme le cadran qui n’existait plus en France. Voici les ingrédients qui nous ont permis de relever le défi du 100% français.

J’imagine que tout ne s’est pas déroulé sans accrocs. Quelles ont été les embûches que vous avez rencontré ?

La complexité s’est faite dans le rapport humain. Nous avons toujours connu la Suisse, c’est-à-dire une certaine rigueur. Lorsque nous avons commencé à travailler avec les entreprises françaises, certaines nous ont promis monts et merveilles et au final n’ont pas respecté leurs engagements. Un exemple en particulier me revient, qui explique aussi pourquoi notre première montre n’était qu’à 80% française. Nous avions missionné un fournisseur qui travaille pour des marques de luxe françaises et qui, à 15 jours de livrer des clients, nous a abandonné, sous couvert qu’ils avaient une grosse commande à honorer. Cet épisode a été très dur car nous étions à 15 jours de la livraison de notre première montre sans cadran. Heureusement, nous avions un gros réseau suisse et nous avons pu travailler avec un autre fournisseur sur la réalisation de ce cadran. Je dirai donc que notre principale source de problème concerne la fiabilité de la parole de certaines personnes. Nous n’avions jamais connu cela en Suisse. Aujourd’hui, nous avons réussi à mettre en place un véritable pôle de fournisseurs de confiance avec lesquels nous avons pu développer la gamme Apose.

Apose a connu un succès fulgurant et une progression prodigieuse, comment expliquez-vous cette réussite ?

La prise de conscience je dirai et le COVID nous a bien aidé dans le sens où cette période a réveillé un intérêt pour la consommation de production française et je sens que ça s’intensifie. Nos clients aiment le design de nos montres, et le fait qu’elles soient produites en France. Nos clients sont attachés à la transparence et à la qualité de nos produits. Nous misons également sur l’entretien d’une certaine proximité avec nous, les 2 fondateurs. C’est quelque chose que nous souhaitons maintenir dans le temps, parler de notre histoire et des difficultés auxquelles nous avons dû faire face. Voici, je pense, la recette de notre succès.

Récemment, vous avez installé vos locaux au BAT36 à Mulhouse, qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Au départ, nous étions sur 2 sites. Un à Wittelsheim et un autre à Mulhouse. C’était compliqué à gérer, d’autant plus que le site de Mulhouse, situé au bâtiment l’Almaleggo devenait trop petit pour nous. Nous avons donc centralisé ces 2 sites au BAT36. Ce bâtiment, chargé d’histoire industrielle, correspondait parfaitement à nos valeurs.

La montre est à son origine un objet destiné à donner l’heure. Pourquoi est-ce qu’on porte une montre de luxe ?

Parce qu’elle reflète notre personnalité. Par exemple, porter une montre Apose dit de vous que vous êtes sensible à la fabrication française, à ce qui est produit ici. C’est aussi un signe d’exclusivité avec un design différent. Et surtout vous êtes sensible au style et à l’élégance à la française puisque toutes nos créations sont travaillées dans ce sens. Aujourd’hui, une personne qui achète une montre de luxe cherche à renvoyer une certaine image, un certain standing. Notre clientèle est différente, elle est plus en recherche de sens, de valeur, avec une certaine culture, elle ne cherche pas le côté ostentatoire, mais une idée de l’élégance à la française, avec tout ce que cela comporte.

Comment réussi-t-on le pari de positionner une marque naissante sur un marché aussi ambitieux que le luxe ?

Il faut y croire et croire en son projet. Ensuite, il y a beaucoup de sacrifices et de travail. Les débuts sont difficiles et on aurait pu abandonner. Puis, nous avons rencontré des gens qui ont contribué à la notoriété de la marque. Je pense entre autres à la maison Longchamp qui est devenu partenaire alors qu’à l’origine, nous sommes allés au culot en envoyant un email directement au Président. Aujourd’hui, il nous accompagne et nous apporte une aide considérable sur notre développement. Longchamp, c’est un nom qui résonne et c’est un gage de qualité de les avoir auprès de nous. Nous bénéficions de leur boutique pour pouvoir créer des événements sur tout le réseau national. La réussite passe également dans le fait de rencontrer les bonnes personnes et de ne pas avoir peur de ses ambitions.

Les montres Apose sont dites unisexes. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Lorsque nous avons quitté la Suisse, nous avons fait une étude de marché avec Ludo et nous avons constaté que beaucoup de dames piquaient la montre de leur mari. De plus, la tendance des diamètres de montres pour hommes était à la baisse, tandis que celui des montres femmes était à la hausse. Nous avons donc décidé de miser sur un diamètre unique. En revanche, nous voulions travailler sur une forme un peu particulière, ni ronde ni carrée, qui s’adapte aux petits poignets et aux poignets plus forts. Voici comment nous sommes arrivés sur une montre non genrée. Aujourd’hui, notre clientèle représente environ 70% d’hommes pour 30% de femmes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous réalisons, pour le mois de septembre, une montre en 37 millimètres, soit un peu plus petite que celle que nous proposons actuellement, parce que nous nous sommes rendus compte que certains hommes recherchent une montre encore plus petite.

Quels sont les objectifs de développement de la marque à moyen et long terme ?

Tout d’abord, l’ouverture d’un concept store horloger pour la fin d’année. Le lieu est encore tenu secret. L’autre objectif de développement, c’est la manufacture Apose que nous allons créer à partir de 2025 à Mulhouse. Nous allons également sortir une montre de plongée pour la fin d’année avec une particularité puisque nous avons créé notre propre complication. Une complication, c’est tout ce qui vient s’ajouter en plus de l’heure.

Comment se porte le marché de la montre de luxe en France ?

De notre côté, on peut dire qu’il se porte plutôt bien. Au début, nous avons essayé de maintenir un prix bas, puis nous avons réalisé que ce n’était peut-être pas la meilleure philosophie. Cela nous obligeait à faire des compromis. Nous avons décidé de ne plus en faire au profit de la qualité. Cela nous a fait monter en gamme et paradoxalement, nos ventes ont décollé.

Hormis l’univers des montres, quel regard portez-vous sur les enjeux de la relocalisation 

C’est un enjeu capital. Nous avons quantité de savoirs que nous avons laissé partir. Aujourd’hui, il y a une véritable prise de conscience. On sait qu’on ne pourra pas tout réindustrialiser. Certaines marques pratiquent des prix qui ne leur permettent pas de fabriquer en France. C’est d’ailleurs ce qui a motivé notre choix de nous diriger sur le secteur du luxe. Mais les enjeux de la relocalisation sont considérables en termes d’emploi et d’innovation. La richesse d’un pays, c’est son savoir-faire industriel. Les consommateurs doivent le comprendre.  Nous souhaitons intervenir prochainement dans les écoles pour sensibiliser les jeunes générations à l’importance de la fabrication française.

Didier Finck
& Ludovic Zussa
Apose
BAT36
24 rue François Spoerry
68100 Mulhouse
contact@apose.fr
09 78 81 17 23
apose.fr

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