Lionel Rivet : La Cuisine de Vos Envies

Le chef passe à table !

Lorsque Lionel raconte son parcours, il est presque impossible de le retracer de manière chronologique, car c’est une succession sans fin d’anecdotes qui se mélangent avec beaucoup de saveur, comme sa cuisine. C’est à ça qu’on reconnaît le chef : cette capacité à mélanger, parfois ce à quoi on ne s’attend pas, pour créer un résultat homogène et savoureux. Lionel est généreux, dans son art et dans son être. Personnage haut en couleurs et au cœur aussi grand que sa passion pour la cuisine, on le consomme sans modération et il s’affine avec l’âge. Merci Lionel de nous régaler, d’être ce chef atypique, cet ami qu’on aime retrouver.

Salut Lionel, qui es-tu ?

Je suis Lionel Rivet, originaire du Médoc. J’ai commencé la cuisine en 1982 à Gérardmer comme apprenti chez Georges Lagrange, Maître Cuisinier de France. En 1986, j’avais un peu d’argent et j’avais monté un restaurant au bord de l’estuaire de la Gironde qui s’appelait La Guinguette du Bout du Monde. Ça marchait bien, c’était l’année de la mort de Coluche. Mon père a gardé l’entité, moi, j’ai arrêté parce qu’à 18 ans, je n’avais pas la maturité nécessaire. Je suis ensuite allé travailler avec Michel Barris, un très grand chef traiteur dans le sud-ouest qui est décédé aujourd’hui. En 1992, ce fut avec Kita Mora, un chef japonais à qui Jean-Marie Amat doit sa deuxième étoile Michelin, au Saint-James à Bouliac (où j’ai travaillé aussi). Cela m’a amené à passer un diplôme de gestion hôtelière pour parfaire mes connaissances. J’ai aussi travaillé dans divers restaurants étoilés. En 1994, j’ai été victime d’un grave accident de moto qui m’a rendu absent pendant deux ans. Après quoi, je suis parti travailler en 1996 avec Cardaillac à la Bastide de Saint-Tropez. C’est là que ma carrière a pris un tournant : j’ai décidé d’arrêter les étoilés pour me consacrer à la partie traiteur.

Après 1996, c’était une vie de saison, donc je travaillais l’été, l’hiver, je faisais des extras et de l’intérim à la Sodexo, Scolarest, la Caisse des dépôts, pour des gros groupes, ces groupes qu’on connaît. En fait, j’ai appris à travailler le volume. Le volume, c’est faire des choses répétitives, travailler en masse. En 2005, je suis parti comme chef sur Montalivet sur une entité qui avait un restaurant à Euronat, un restaurant au CHM et un restaurant dans une boîte de nuit. Je devais gérer les trois cuisines, c’était assez impressionnant. Là, je commence à grandir, j’ai 36 ans, je crois. Puis, j’ai rencontré une personne dont la mère avait un restaurant dans Lesparre Médoc, 60 couverts tous les midis et 30 places assises. Il y avait un chef de cuisine déjà en place, moi, j’étais en salle à ce moment-là. En 2012, une opportunité s’est présentée : mon ex-belle-mère a investi dans un autre restaurant. On est montés à 120 couverts tous les midis, complets 15 jours à l’avance, toujours avec le même chef et moi en salle. En 2016, j’ai rencontré une personne importante pour moi qui s’appelle Nicolas Jordan de Rivalis. Il avait un projet pour M6, dans « Cauchemar en Cuisine ». Il leur fallait un chef pour finir une émission qu’ils avaient tourné dans un restaurant à Bordeaux. À ce moment, je venais de perdre ma compagne, et je voulais partir au Tibet avec mon sac à dos. J’ai finalement décidé d’accepter le challenge. C’est à cette occasion que j’ai créé le burger de veau. Je suis allé voir mon boucher et mon boulanger, ce dernier m’a proposé de faire un pain noir; en 2018, j’ai été recruté pour aller travailler chez un traiteur bordelais. Je suis parti chez lui jusqu’en 2019, le Covid arrivait alors.

C’est là que ma vie a changé une deuxième fois. J’ai rencontré Sandra et je suis arrivé à Mulhouse. Mon idée était de travailler en Suisse, comme beaucoup, mais il me manquait un permis de travail qui me fut refusé en pleine période de Covid. J’ai donc repris mon activité d’auto-entrepreneur : chef à domicile. J’ai ensuite intégré un groupe BNI. Par le biais de ces rencontres, en septembre 2021, j’ai créé mon entreprise. Il y a ensuite eu un coup du destin, et pour cela, je remercie Francis Hans, l’ancien patron de Lony’s Traiteur, qui mettait un terme à son activité et m’a intronisé auprès de sa clientèle. Ce fut un accélérateur pour mon entreprise et ça m’a permis d’être là où j’en suis aujourd’hui.

D’où te vient cet amour pour la cuisine ? C’est quoi pour toi la cuisine ?

Mes parents faisaient toujours la cuisine à la maison. Suite à la mort de ma mère, je suis parti vivre chez mon père. J’ai mal vécu mes années de collège et, en quatrième, un de mes copains a annoncé vouloir être cuisinier. J’ai décidé de le suivre pour frustrer mon père, mais en réalité, j’aimais déjà ça. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Gérardmer, chez Georges Lagrange, à l’Hôtel de la Paix. Ça n’a pas été facile tous les jours et j’ai voulu changer en cours de route. Je me suis alors engagé dans l’armée comme chasseur alpin parce que j’adore ça, mais j’ai dû y mettre un terme pour des raisons de santé. J’ai été aussi préparateur de commandes chez Auchan. J’ai fait plein de petites choses, mais en fait, je me suis aperçu qu’il n’y a qu’une chose que je savais et aimais faire, c’était la cuisine. Voilà, j’ai un parcours fourni et atypique, mais toutes ces histoires combinées m’ont conduit à être là aujourd’hui et à exercer ce métier. Il est en moi et je le pratique avec mes émotions. Ce sont elles qui m’animent et colorent ma cuisine. J’aime donner du plaisir aux gens, raconter une histoire, donner de ma personne. Quand mes clients viennent solliciter mes services, j’ai besoin de les rencontrer, de savoir pour qui je cuisine, parce que je vais travailler mes produits en fonction de ce qui résonne en moi par le biais de cette relation.

Est-ce qu’on peut dire que tu cuisines comme on composerait une chanson sur la personne qui va recevoir ?

Oui. J’ai écrit une phrase, il y a 20 ans maintenant, qui est sur ma carte de visite : « La cuisine est un art, il faut juste savoir prendre le temps de l’apprécier ». Pour moi, la cuisine, c’est vraiment ça, c’est un échange d’émotions. S’il n’y a pas cette alchimie, je vais faire une restauration lambda, sans valeur ajoutée.

Où on en est aujourd’hui de la cuisine française ?

Michelin est en train de tuer Escoffier. Pour moi, la cuisine française, c’est lui. Il est notre père à tous ; il nous a appris ce qu’était une bonne blanquette, un bon bourguignon, toutes les choses qui existent en casserole : une choucroute, une potée ou une bouillabaisse. Le guide Michelin est en train de se mondialiser. Au départ, il représentait la cuisine française, mais aujourd’hui, on peut décerner un Macaron Michelin à un gars qui a fait Top Chef et qui vient juste d’ouvrir son restaurant il y a moins de six mois. En fait, selon moi, un détenteur de la cuisine française, ce n’est pas un étoilé Michelin, c’est un col bleu blanc rouge, Maître Cuisinier de France. Ils savent comment on cuisinait une choucroute ou un cassoulet il y a 100 ans. Ce sont les vrais ambassadeurs de notre histoire gastronomique. Je peux paraître dur et radical dans ma prise de position et on peut parfaitement être créatif dans le respect des traditions, mais notre cuisine est une part de notre culture. À force de repenser des recettes pour les repenser, on finit par dénaturer cet héritage qui se pratique parfois depuis des centaines d’années. Malgré tout, la cuisine a suivi l’évolution de notre société.

Que penses-tu de la cuisine évolutive et du mélange des genres et des cultures ?

Non, ce n’est pas notre cuisine, mais ça le devient. En ce qui me concerne, il y a une cuisine asiatique, une cuisine américaine, une cuisine française, une cuisine portugaise ou espagnole. Je sais pratiquer plusieurs cuisines parce qu’on apprend à le faire, mais quand je fais un bourguignon, je le fais à la française. La cuisine française, c’est une entité, un patrimoine.

Quel regard portes-tu sur la place de la restauration rapide dans le paysage culinaire français ?

Le problème, c’est qu’on a laissé des gens qui avaient de l’argent investir, dire et faire ce qu’ils voulaient. C’est la raison pour laquelle on a vu apparaître des McDonald’s et autres grosses enseignes un peu partout. Ce sont des gens qui ne connaissaient rien à la cuisine, mais qui connaissent le profit. Ce qui me rend triste, c’est que la malbouffe a pris tellement de place dans le paysage de la restauration que beaucoup de gens, j’ai le regret de le dire, ne savent plus faire la différence entre la bonne gastronomie et la restauration bas de gamme. C’est quelque chose qui me rend triste.

Comment t’adaptes-tu aux évolutions alimentaires de notre époque ? Je pense particulièrement aux débats sur le gluten, le véganisme ou les différentes allergies.

Cela fait partie de l’évolution de la cuisine mondiale, il faut savoir s’adapter. Il faut savoir respecter certaines règles, par exemple, une farine de blé, pour la digérer, il faut qu’elle cuise minimum 20 minutes. Si les gens sont allergiques au gluten, je prends de la Maïzena, c’est 5 minutes de cuisson. On peut largement compenser et c’est à moi, ensuite, d’être créatif, mais il y a des bases. Le plus important dans notre métier, c’est de savoir accepter la critique et de pouvoir se remettre en question tous les jours.

 

Lionel Rivet La Cuisine de vos Envies
1 rue de Londres
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