Jacques Rumpler / Ecomusée d’Alsace

L’écomusée d’Alsace : Une vraie gestion du patrimoine

Des façades à colombages, des allées fleuries et arborées, un dédale de chemins aux airs de village alsacien plongent le visiteur dans une époque où l’authenticité, le labeur et les traditions se côtoient. Né de la pression foncière, l’Écomusée d’Alsace se veut le garant d’un patrimoine architectural chargé d’histoire, de moments de vie. À l’abri des regards, c’est une véritable petite « entreprise associative » qui préserve, orchestre et entretient le plus grand musée en plein air de France.

 

Jacques pouvez-vous vous présenter, décrire votre parcours et comment l’Écomusée d’Alsace est entré dans votre vie ?

Mon parcours à l’Écomusée d’Alsace a débuté en 1995. Je suis venu m’installer en Alsace avec ma jeune famille et j’ai découvert le site en tant que visiteur. Quelques semaines plus tard je me suis engagé comme bénévole dans l’apprentissage de différents savoir-faire puisque la transmission c’est précisément une des missions du musée. J’ai d’abord appris la distillation, puis je me suis intéressé à l’apiculture jusqu’en septembre 2006, année au cours de laquelle le président fondateur Marc GRODWOHL a quitté les fonctions qu’il exerçait depuis l’ouverture en 1984. Il a fallu, dans un maelstrom d’informations et d’émotions, le remplacer au pied levé. J’ai en finalité fait le choix d’accepter cette responsabilité qui m’a été proposée et je suis, depuis cette époque, le président de l’association de l’Écomusée d’Alsace. J’ai ainsi terminé ma carrière professionnelle à la Mutualité Française dont j’ai été le directeur des services de soins pendant 25 ans. Ce métier m’a exposé à des fonctions et des responsabilités de gestionnaire importantes et ce sont ces compétences et ces aptitudes qui m’ont permis de prendre la présidence de l’Écomusée d’Alsace. C’est à ce sujet, une présidence particulière puisque c’est une entreprise associative qui compte aujourd’hui une cinquantaine de salariés et qui est exposée à toutes les préoccupations auxquelles sont confrontées les entreprises de cette taille. Nous existons dans le champ de l’industrie du tourisme, nous sommes un établissement culturel qui accueille chaque année 200 000 visiteurs.

 

A ce sujet, quel rayonnement a aujourd’hui l’Écomusée d’Alsace ?

L’Écomusée  d’Alsace a aujourd’hui un rayonnement, je dirais sans fausse modestie, international, mais avec un petit « i ». En effet non seulement notre clientèle vient de régions proches de l’Alsace, mais nous sommes également fiers d’accueillir des visiteurs, qui viennent de tous les horizons du monde. C’est donc une véritable entreprise qui doit être structurée, gérée et dirigée comme telle.

De façon générale, c’est quoi l’Écomusée d’Alsace ? d’où est-il parti et quels horizons s’ouvrent à lui aujourd’hui ?

L’Écomusée d’Alsace est né d’une initiative privée extrêmement courageuse à l’époque puisque à partir des années 70, un jeune groupe d’adultes mené par Marc GRODWOHL, s’est mobilisé au service de la sauvegarde du bâti patrimonial traditionnel alsacien en fondant l’association « Maison Paysannes d’Alsace. Cette initiative a ainsi commencé par un travail d’approche des propriétaires de bâtiments menacés de destruction. Afin de sauvegarder le bâti en libérant le foncier, un gros travail de démontage des charpentes d’une dizaine de maisons commence alors.  À ce moment-là, l’association est à la recherche d’un terrain sur lequel implanter ces maisons, qui sont donc démontables et transportables, dans la volonté de créer un véritable conservatoire de l’architecture alsacienne. C’est Gilbert FRICKER maire de la commune d’Ungersheim, qui a alors proposé le terrain minier stérile qui jouxte le carreau Rodolphe qui héberge le musée aujourd’hui. L’Écomusée d’Alsace a pu ouvrir ses portes en 1984 avec une vingtaine de maisons remontées. Mais le territoire était bien évidemment en souffrance écologique puisque les résidus salins liés à l’exploitation de la potasse pendant un siècle avaient complètement altéré la végétation et les sols. Précision intéressante car il s’est produit ici une sorte de petit miracle écologique. En effet au fil des ans, le lessivage du sel par la pluie a permis une « renaturalisation » des sols et on a vu renaître spontanément un certain nombre de biotopes qui avaient complètement disparu. Nous en avions même perdu la mémoire de l’existence et ceci a donc permis de voir renaître spontanément les arbres, les arbustes et les haies. Les stigmates de cette période d’exploitation saline intense à progressivement disparu.

 

Quelles sont les missions du musée aujourd’hui ?

La mission première de l’Écomusée d’Alsace consiste à assurer la préservation et la sauvegarde des 80 édifices qui le compose. C’est là une mission à fort enjeu, parce que nous collaborons avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) qui nous accompagne avec exigence dans notre action. Il faut savoir que la maison traditionnelle à colombage alsacienne est extrêmement résistante. Nous avons des maisons qui ont été érigées il y a quatre siècles. Il faut en prendre grand soin. En effet le bâti traditionnel est un bâti qui est exposé aux intempéries comme n’importe lequel et du fait du caractère naturel et vivant des matériaux qui le composent, il est sujet à une érosion et à des altérations qui, si on y prend garde,peuvent prendre des proportions importantes. Nous avons donc cette première mission qui constitue la colonne vertébrale de notre action, c’est vraiment notre thésaurus, c’est le cœur du moteur. S’en suit évidemment l’harmonisation du site et toute la dimension agricole et paysagère. Nous disposons par exemple d’un verger conservatoire qui produit près de 250 variétés de pommes anciennes. Nous nous employons également à sauvegarder des méthodes agricoles. Sans nostalgie ni passéisme, ces démonstrations de techniques anciennes permettent de magnifier les savoir-faire et de produire des céréales et d’autres productions à visée alimentaire humaine, dans des conditions les plus proches possible de l’époque.

Pour faire tourner tout ça, sur quelles compétences reposez-vous ?

L’Écomusée d’Alsace a été fondé et tire toute sa légitimité de la forte présence bénévole qui a toujours été extrêmement fidèle qui a toujours été le ressort principal du fonctionnement. En 2024 l’Écomusée compte 300 adhérents dont 200 bénévoles actifs et une cinquantaine de salariés en contrat à durée indéterminée, auxquels viennent s’ajouter une vingtaine de saisonniers pour la période estivale. Il est indiscutable que la présence bénévole est une composante absolument incontournable de l’identité de l’établissement. Les bénévoles concourent à faire vivre le musée. Ce patrimoine immatériel constitue un appoint d’activité sans lequel l’établissement ne pourrait pas fonctionner et sans lequel il deviendrait rapidement un parc dépourvu d’âme.

 

Nous l’avons évoqué en introduction, l’Écomusée d’Alsace fonctionne comme une véritable entreprise. Vos ressources sont-elles uniquement issues des visiteurs ou bénéficiez-vous d’aides, voire de mécènes ?

Nous sommes conscients que les ressources issues du mécénat restent à conquérir. Aujourd’hui nous avons des partenariats avec une vingtaine d’entreprises qui nous soutiennent ponctuellement ou de manière régulière. C’est un apport qui est malgré tout substantiel. Nous sommes reconnaissants des entrepreneurs engagés à nos côtés, de leur générosité. Nous réfléchissons actuellement à la création d’un fonds de dotation. Je tiens également au passage à saluer l’accompagnement de haute tenue de la Fondation du patrimoine qui nous a permis de concrétiser un certain nombre de projets de reconstruction, notamment le remontage du séchoir à tabac de Lipsheim. Grâce à ce soutien, nous avons notamment remporté le «  Grand Prix du Patrimoine et du Tourisme local » organisé par AirBnb, avec à la clé, un financement de 100 000 € dédié aux travaux de restauration de notre maison du vigneron.

 

l’Écomusée d’Alsace est un lieu propice à l’événementiel. Quelles solutions apportez-vous aujourd’hui aux entreprises ?

L’accueil des entreprises revêt pour l’Écomusée d’Alsace une dimension absolument névralgique, car il s’agit d’accueillir des personnes qui sont susceptibles de devenir nos prescripteurs et nos ambassadeurs. Nous disposons à cette fin de nombreux espaces équipés pour organiser des séminaires, des réunions et des conférences avec des prestations complémentaires de restauration et de teambuilding. Nous accueillons des entreprises de tailles diverses, mais pour l’essentiel ce sont des entreprises alsaciennes. De manière exceptionnelle, l’Écomusée d’Alsace peut également être privatisée dans sa totalité, avec un programme d’animation sur mesure : à chaque fois, les clients sont émerveillés !

 

Si vous faites tout ça c’est aussi pour laisser un héritage aux générations futures. Comment sensibilisez-vous les jeunes générations à l’appréciation de ce patrimoine et de l’histoire locale ?

L’Écomusée d’Alsace dispose d’un outil exceptionnel par son centre pédagogique qui accueille chaque année une vingtaine de milliers d’enfants sous la forme de visites à la journée ou de séjours à la semaine. Ceci nous permet d’offrir un véritable accès privilégié au patrimoine, de manière ludique et interactive, afin de favoriser la transmission. Nous apportons un soin tout particulier à cette mission pédagogique parce que nous nous imaginons que les enfants d’aujourd’hui qui seront les adultes de demain, seront prescripteurs de visites au musée.

Est-ce important pour vous de rentrer dans une démarche RSE ?

La RSE est également une préoccupation de l’entreprise associative qu’est l’Écomusée d’Alsace. Bien évidemment on ne peut pas prétendre incarner une certaine vision du monde, de l’environnement et de l’humain, sans se préoccuper de la qualité de vie au travail, des conséquences de notre activité sur notre cadre de vie et l’environnement. C’est un sujet qui est en cours de réflexion et sur lequel nous allons progresser dans les mois et les années à venir.

 

Merci Jacques d’avoir ouvert les portes de l’Écomusée d’Alsace au réseau OPEN et de nous l’avoir expliqué par le prisme du dirigeant que vous êtes. Merci pour votre engagement !

 

Jacques Rumpler
Écomusée d’Alsace
Chemin du Grosswald
68190 Ungersheim
+33 3 89 74 44 74
ecomusee.alsace

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