Karine Kosinski : Œil Intérieur
Profession : Créatrice d’harmonie
Après des débuts comme opticienne, Karine n’a pas perdu l’œil, surtout lorsqu’il s’agit de votre intérieur. Rencontre avec une professionnelle de l’harmonie des formes et des couleurs.
Bonjour Karine, peux-tu te présenter ?
Je suis Karine Kosinski, je suis décoratrice d’intérieur depuis 2016. Mon projet est né d’une reconversion professionnelle puisqu’avant, j’étais opticienne suite aux recommandations d’un conseiller d’orientation. Il m’avait également proposé de devenir hôtesse de l’air, mais à 1m60, cela me semblait compliqué.
À cette époque, j’aspirais déjà à devenir décoratrice d’intérieur, mais c’était un métier réputé pour ne pas être lucratif, un métier d’artiste. J’ai donc choisi la voie sécurisante de l’optique pendant 10 ans. J’ai changé plusieurs fois d’enseigne, pensant que c’était le cadre qui ne me convenait pas, alors que c’était le métier. Puis, j’ai été licenciée économiquement. Cela m’a fait l’effet d’un déclencheur, je me suis alors demandé ce que je voulais faire réellement. J’ai donc décidé de revenir sur mon envie de décoratrice et j’ai suivi les formations adéquates. J’ai toujours su qu’un jour, j’aurai mon entreprise, mais je souhaitais au départ trouver du travail dans une structure existante, le temps de valider ma formation.
Je pensais intégrer un cabinet d’architecte, par exemple. Mais les postes proposés étaient des postes de décoratrices auprès d’enseignes du type IKEA, qui ne permettent pas selon moi d’exploiter notre savoir-faire. C’est en allant au baptême de ma nièce que j’ai retrouvé le traiteur de mon mariage. Il m’a confié vouloir ouvrir un restaurant et m’a donné l’opportunité de l’accompagner. Mon premier projet a donc été Le Clos des Sens à Schlierbach. À l’origine, c’était une pizzeria que nous avons transformée en restaurant bistronomique. Ce fut le pied à l’étrier qui a fini de me convaincre de me lancer, après quoi, les rencontres m’ont permis de travailler sur de nouveaux projets. Au départ, je travaillais avec les artisans des clients, ce qui me permettait de me concentrer sur la partie décoration, puis, petit à petit, j’ai développé également mon propre réseau de prestataires.
Qu’est-ce qui fait la qualité d’une décoratrice d’intérieur ?
Pour répondre à cette question, je vais prendre un exemple très simple. Le client veut refaire son salon, un coup de peinture, c’est facile, tout comme changer de canapé ou de table basse. Tout le monde peut le faire. Et puis, il va se rendre chez Castorama ou Leroy Merlin pour choisir sa peinture. On l’a tous fait, moi aussi. Là, il va trouver un petit panel de peintures avec plusieurs finitions, et c’est là qu’il commence à bloquer. Il va choisir une couleur parce qu’il l’aime bien, ou du blanc pour ne pas prendre de risques. Puis, il va changer de canapé, le weekend, dans une enseigne comme il en existe tant. Au bout de 4 semaines, il n’aura toujours pas trouvé de canapé, ou peut-être par dépit. Ils vont le livrer dans l’entrée sans le déballer, etc. En résumé, il va mettre un certain temps à assembler les éléments de sa déco et le résultat final est décevant, il manque quelque chose. Le canapé est trop grand, il ne sait pas comment le placer ou il ne colle pas avec la peinture …
Mon travail consiste à penser la décoration d’une pièce dans sa globalité, me projeter et harmoniser tous les éléments qui composent l’ensemble. Je vais comprendre les gens qui y vivent ou y travaillent, déchiffrer leurs goûts et les tendances qu’ils affectionnent. À partir de là, je vais leur faire des propositions précises et adaptées. Je vais les conseiller sur des produits atypiques qu’on ne trouve pas partout, du canapé à la table basse, en passant par la lampe, mon métier consiste à savoir ce qui se fait, aiguiser mon œil, affûter ma culture générale afin d’être en mesure de proposer des choses originales et de créer des lieux uniques, vivants et en adéquation avec la sensibilité de mes clients.
La décoration en entreprise, c’est important ?
Absolument. C’est l’endroit dans lequel vous accueillez vos clients, la première image est importante. Comme disait Coco Chanel, «Vous n’aurez jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression». C’est la raison pour laquelle j’ai soigné mon bureau. Il est important pour moi qu’on comprenne mon univers lorsqu’on vient ici. Une pièce en dit long sur ce qui s’y passe. Il y a des valeurs qui sont exprimées. Un bureau blanc, sans âme, sans vie, ne vous mettra pas forcément à l’aise. Une déco soignée donne aussi plus facilement envie de venir travailler, c’est un cadre dans lequel on passe une partie importante de sa vie. Je travaille beaucoup sur des projets où on cherche à ce que les employés se sentent comme chez eux, peut-être aussi pour faire poids dans la balance face aux demandes de télétravail.
Au-delà de la question humaine, il y a aussi la question environnementale. Quelles réponses amènes-tu sur ce sujet ?
On va parler de décoration éco-responsable. Ça commence par la sélection d’entrepreneurs locaux, du choix de matériaux à faible impact sur des circuits de distribution courts, de privilégier des produits naturels. Dernièrement, j’ai travaillé sur un projet avec un menuisier qui se fournit localement en bois. J’ai aussi un artisan qui me rénove des meubles anciens. La récupération est une réponse forte à l’hyper industrialisation. On peut juste le poncer, l’éclaircir pour le mettre un peu plus au goût du jour, ou bien le styliser avec du papier peint, un peu de couleurs, c’est vraiment selon les envies. On va aussi essayer de travailler sur des matériaux écologiques recyclés. Je travaille, par exemple, avec une société française qui recycle des tables basses en volants de badminton. Il existe beaucoup d’options, mais il faut les connaître.
Entre les émissions M6, Pinterest, les réseaux sociaux, les magazines de déco, les gens n’ont jamais autant été abreuvés de conseils déco. Le « do it yourself » est-il devenu une source de concurrence dans votre métier ?
Oui, forcément, mais je me suis adaptée. Je propose une prestation qui s’appelle la visite conseil. Ça dure environ deux heures. La plupart du temps, ce sont des gens qui font leur décoration eux-mêmes, mais n’arrivent pas à harmoniser. Ils ont du goût pour des choses précises, mais n’arrivent pas à se projeter sur une vision d’ensemble. Alors, je vais les conseiller. Ensuite, ils font le reste. Malgré tout, une décoration réussie se joue dans la capacité à pousser le détail. Il y a une vue d’ensemble cohérente, puis le sens de la finition. Je suis perfectionniste, j’aime que les choses soient propres et carrées. C’est la raison pour laquelle je passe par des artisans. Internet est chouette, car ça nous donne l’impression qu’on peut faire beaucoup de choses soi-même, et c’est le cas. Décorer peut être un hobby ou un métier, tout dépend d’où on place son curseur d’exigence.
Karine Kosinski
Oeil Intérieur
4 Avenue Clémenceau
68100 Mulhouse
karine.kosinski@oeil-interieur.fr
+33 6 50 45 25 07
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