Mathieu Bruneau – MB informatique
Technologie numérique et IA : vers l’avenir et au-delà
Parfois, il arrive qu’une interview s’emballe pour nous amener plus loin qu’on ne l’aurait imaginé. Bienvenue à Gattaca, Matrix, 2001 l’Odyssée de l’Espace sont tant de films de science-fiction qui nous ont fait voyager, mais parfois aussi nous ont terrifiés. Pourtant, la réalité semble aujourd’hui rattraper le fantasme. Jusqu’où irons-nous dans cette révolution technologique que représentent l’intelligence artificielle et la robotique ? C’est ce à quoi Mathieu Bruneau va tenter de répondre. Bien sûr, il ne s’agit que d’une projection théorique.
Bonjour Mathieu, qui es-tu ?
Je m’appelle Mathieu Bruneau, je suis le dirigeant de MB Informatique. Mon parcours a débuté avec la décision de mes parents de déménager de Lyon vers l’Alsace. Je me suis orienté vers un un DUT qui s’appelle maintenant MMI « Métiers du Multimédia et de l’Internet », en plus d’une licence ATC « Activités et Techniques de Communication », durant laquelle j’ai commencé à venir en aide à des sociétés sur le plan informatique. J’ai alors vite dû commencer à émettre des factures, ce qui m’a conduit à prendre un statut d’auto-entrepreneur en 2009. 4 à 5 ans plus tard, j’ai basculé en EIRL puis depuis 6 ans en SARL. MB Informatique fête donc aujourd’hui ses 15 ans.
MB Informatique, c’est quoi ?
Nous sommes une société de conseil, de vente et de solutions informatiques plutôt généraliste, aussi bien portée sur du développement, les solutions Linux ou Windows, les serveurs, les logiciels ERP, de téléphonie, de réseaux, de sécurité. Mon expérience m’a permis de travailler dans de nombreux domaines et d’acquérir une vision 360° du métier, que ce soit en tant que développeur, ce que j’ai été pendant des années, ou mes nombreux stages en informatique de terrain. En tant qu’auto-entrepreneur, je faisais beaucoup de web. En parallèle, je travaillais comme responsable informatique pour une entreprise. Je faisais principalement du hard, et du dépannage de postes. La création de MB Informatique m’a permis de recruter des gens spécialisés pour chaque domaine.
Quels sont les enjeux actuels des entreprises sur le plan informatique ?
Leur principal enjeu est d’avoir un parc informatique rapide, efficace et sécurisé. Sur ce dernier aspect, ils doivent être suffisamment à l’abri de tout ce qui est rançonnable, tel que virus, ou tout ce qui pourrait atteindre leur trésorerie. On sait que la majorité des attaques ont pour but, non pas la destruction ou la pollution d’une machine, mais bien l’extraction d’argent qui peut vraiment créer de gros dégâts au sein d’une société. Enfin, un autre enjeu est d’avoir des outils logiciels favorisant la productivité et la rapidité. Aujourd’hui, nous intervenons également sur des solutions de téléphonie raccordées à un logiciel, de paiement en ligne ou de signature à distance. L’informatique doit nous simplifier la vie, mais s’il est mal géré, il peut vite nous la compliquer.
Sur l’aspect performance des machines, sommes-nous toujours dans une course vers la performance mémoire ? Quels sont les critères d’évolution des postes informatiques aujourd’hui ?
L’évolution n’est plus aussi intense que les années précédentes. Les critères de performance recherchés aujourd’hui vont être l’économie d’énergie, on va être sur une augmentation de 5 à 10 % chaque année. Les capacités de mémoire continuent néanmoins d’évoluer chaque année. Finalement, ce qu’on recherche surtout, c’est la réactivité et la durabilité. Nous proposons des ordinateurs garantis 5 ans avec une durée de vie de plus de 10 ans. Il y a quelques années, on aurait dit que c’était impossible et pourtant, notre entreprise a 15 ans et beaucoup de nos machines ont dépassé les 10 ans.
Maintenant, sur l’aspect évolution des machines, il faudra compter, dans les prochaines années, sur l’apparition d’un nouveau composant qui est la puce IA qui viendra soutenir l’intelligence artificielle interne. Cela va nécessiter le remplacement de beaucoup de parcs informatiques sur un horizon de 2 à 5 ans. L’ordinateur aura sa propre IA en interne qui utilisera le processeur de la machine pour réaliser ses calculs. On commence déjà à voir apparaitre ces puces sur certains portables. Bien sûr, les gens pourront continuer à utiliser ChatGPT, mais certaines entreprises vont avoir besoin de développer leur propre IA, intégrée directement à leur infrastructure. Cette dernière sera capable de proposer des solutions 100% personnalisées et évoluera dans l’environnement de l’entreprise.
Les métiers de l’informatique tendent à se spécialiser de plus en plus. Vous qui êtes généralistes, comment arrivez-vous à garder un œil ouvert à 360° sur les évolutions en marche ?
Tout d’abord, nous communiquons beaucoup avec nos fournisseurs. Ces derniers nous tiennent régulièrement et de manière soutenue informés des dernières évolutions, de la sortie de nouveaux produits ou des dernières évolutions techniques avec un temps d’avance. Ensuite, ce métier nécessite un énorme travail de veille. C’est la raison pour laquelle tous nos collaborateurs ont cette passion du métier qui les pousse naturellement à vouloir toujours s’informer, se former, savoir et comprendre. Chacun ayant ses spécialités, nous allons travailler sur nos secteurs spécifiques et échanger entre nous pour toujours garder une vision d’ensemble. La veille passe aussi par les salons. Nous sommes très actifs également dans ce domaine, cela nous permet de faire des rencontres, découvrir de nouvelles technologies en avance, de les tester et d’avoir un regard sur l’avenir de notre métier. Il en va de même pour les conférences, les webinaires et tout ce qui nous permet de rester à la page. Nous nous intéressions également à la robotique qui est étroitement liée à l’informatique. C’est très intéressant de voir comment on imagine déjà la mise en pratique des robots en milieu professionnel ou privé, de voir comment une IA connectée à une caméra peut analyser les choses, comment elle peut détecter de la fumée, des intrusions, le nombre de personnes qui entrent sur un site, comment on crée des moteurs pour articuler un bras, comment un robot chien se déplace, marche ou saute. Les exemples sont tellement riches en nombre qui je ne pourrai pas tous les citer, mais nous nous nourrissons de ces découvertes. Cela nous permet de comprendre les besoins de la société.
L’intelligence artificielle est arrivée dans les discussions il y a un moment déjà avec l’apparition d’outils comme ChatGPt, Midjourney et d’autres encore. Nous savons qu’une révolution de nos vies vient de commencer. Pourtant, ce sujet suscite encore beaucoup d’incompréhension, de questions, voire de craintes. Quel regard portes-tu sur l’IA ? Vers quel nouveau monde allons-nous ?
En ce qui nous concerne, nous l’utilisons au quotidien pour des tâches de traduction, très utiles dans le développement, parfois dans plusieurs langues. Nous l’utilisons également dans le cadre du développement. Un développeur qui utilise une IA a l’efficacité d’un développeur et demi. On peut déjà affirmer qu’une entreprise qui n’utilise pas l’IA est moins productive. Si on se base sur une équipe de 50 personnes, ça fait une sacrée différence. Son utilisation peut également nous faire gagner du temps sur la compréhension des choses. Un problème sur lequel on bute et qui peut nous faire perdre des heures de recherche sur internet peut être résolu en très peu de temps. L’IA peut pourtant parfois se tromper, l’humain garde une place importante dans le process, mais la plupart du temps, les informations qu’elle donne sont exactes.
On dit qu’il faut toujours une vérification et une validation humaine derrière, mais ne penses-tu pas que demain, elle saura nous remplacer, y compris sur l’aspect de vérification ?
Un article expliquait qu’une pathologie avait été diagnostiquée à un sujet par une IA en quelques secondes, alors que 17 médecins en 3 ans n’ont pas réussi à l’identifier. L’IA accumule toutes nos connaissances, notre savoir-faire, est connecté entre plusieurs pays, collecte les informations de tous les domaines spécialisés et accède à ces sources en quelques secondes. Aucun être humain ne peut collecter autant de données, elle nous dépasse en tous points. Maintenant, son fonctionnement peut être sujet à débat, elle peut commettre des erreurs et n’est pas « encore » parfaite. Cependant, son ouverture sur le savoir dépasse ce qu’un être humain est capable de faire. Il y a eu la révolution industrielle qui a vu le remplacement d’ouvrier par des machines qui reproduisaient le même geste de manière systémique. Aujourd’hui, il s’agit de nos facultés cognitives. C’est difficile à accepter pour les gens qui se sont toujours sentis à l’abri sur ce plan-là.
A ce moment de l’interview, il convient de préciser à nos lecteurs que nous avons exploré des sujets de fond qui n’ont pas pour vocation d’être des vérités, mais uniquement des hypothèses sujettes à débat. Il est important de prendre du recul sur ce qui va être exprimé dans les prochaines lignes. Merci de votre compréhension.
Justement, notre société va toujours plus vite, a toujours besoin de produire plus. Quelle est notre place là-dedans ? Sommes-nous devenus obsolètes ? L’humain est-il devenu le maillon archaïque du modèle économique qui était censé améliorer sa vie ?
Il y a d’un côté les IA qui se développent de manière prodigieuse, puis de l’autre la robotique qui progresse également de manière vertigineuse. Les premiers robots viennent d’être commercialisés pour 15 000 euros, non pourvu d’une intelligence, mais en cours de développement. Cela signifie que n’importe quelle société peut en acheter développer les IA qui vont permettre de les contrôler. Imaginez ce que l’association des deux aura comme répercussions sur nos modes de vie. Ils pourront réaliser des tâches telles que la cuisine, le ménage, ranger une maison, surveiller une société, seconder des gardiens de la paix, jusqu’à être un renfort dans des zones où il faut plus de protection humaine. Leur émergence dans les prochaines années est désormais inévitable. Si tout cela est bien géré, le résultat peut être bénéfique. Ils pourront s’occuper des personnes âgées, les aider dans leurs tâches quotidiennes, les surveiller en permanence, à l’heure où on manque de personnel dans ces domaines d’activité. Nous voyons déjà apparaitre des robots serveurs dans les restaurants, un secteur particulièrement touché par la pénurie de main d’œuvre. Le prix du robot varie entre 10 000 et 15 000 euros. En comparaison du coût d’un salaire, c’est un réel calcul à prendre en compte, d’autant plus que lorsqu’il est malade, un technicien le remet en service relativement vite, il ne connait pas la fatigue, n’a pas de revendications, pas d’état d’âme et si on le programme pour sourire et être de bonne humeur, il saura le simuler à merveille.
Si on se place maintenant dans le domaine de la médecine, les robots chirurgiens ne tremblent pas et seront capables d’une précision extrême. Ils pourront mener des opérations complexes, émettre des diagnostics avec des millions de points de comparaison en temps réel, réaliser des analyses sanguines ou même une radio et faire tout ce qu’un médecin sait faire.
Ce qui est très important à comprendre, c’est que nous allons vivre cette révolution, non pas dans 50 ans, mais dans 5 à 10 ans. Cette pensée fascine et terrifie à la fois.
J’ai souvent entendu dire que l’humain sera toujours présent pour vérifier ou gérer l’IA, mais au fond, pourquoi aurait-elle besoin de nous pour accomplir des tâches qu’elle pourra effectuer elle-même ?
C’est une grande question, mais il est possible que les gouvernements mettent un cadre à l’utilisation de ces technologies. Le problème va se poser à un moment et notre système entier risque de bloquer si l’homme n’a plus aucune valeur ajoutée. Ces questions sont sérieuses et inquiètent beaucoup de gens. Que pourrons-nous encore faire qu’une machine ne sera pas en mesure de réaliser ? Que signifie encore la notion même d’entreprise dans ce contexte ? Serons-nous limités à installer et entretenir des logiciels dans les robots ou corriger les dysfonctionnements ? Nous, informaticiens, nous envisageons très bien notre avenir en tant que techniciens. Notre métier tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est peut-être amené à disparaître dans 10 ans.
Récemment, j’ai eu la chance d’assister à la présentation de la thèse de mon frère vétérinaire (que je salue). Ce travail a nécessité des années, la rédaction de plus de 340 pages, un travail d’investigation, de documentation, des heures et des heures enfermé dans une pièce à lire et écrire. Tout cela s’appuie sur des années d’enseignement et de labeur. Va-t-on devoir lui expliquer que d’ici peu de temps, une machine sera capable de proposer le même rendu en 5 minutes ? ChatGPT est déjà capable de rédiger des kilomètres de texte, ce qui pose d’ailleurs un véritable problème dans les écoles. Va-t-on simplement vers la fin de l’apprentissage ? Le goût de l’effort et la satisfaction de réaliser quelque chose par soi-même sont-ils menacés ?
Tout d’abord, le travail qu’il a réalisé pour sa thèse servira sans doute malheureusement à une IA. Les IA s’entraînent sur nous, épongent nos connaissances et notre savoir-faire pour le reproduire. Elles utilisent ensuite tous ces éléments pour réfléchir d’elles-mêmes. A un moment donné, il faut quand même que des êtres humains apprennent pour pouvoir transmettre. Mais une fois qu’ils ont transmis, la question se pose. Il est totalement probable que les études, dans l’avenir, puisse même disparaître ou être remplacé par des études qui vont servir à utiliser ces IA. C’est-à-dire qu’un médecin apprendra peut-être à utiliser son IA médicale ou à gérer son équipe de robots. Tout cela est encore flou.
Les puces neuralink commencent à faire beaucoup parler d’elles. Nous parlons ici, ni plus ni moins que d’humains augmentés. C’est-à-dire que des entreprises travaillent actuellement à greffer des puces qui vont permettre de développer l’humain. On pourra, par exemple obtenir le savoir de 5 ans d’études de manière instantanée. Sur un cas d’accident, une personne va pouvoir, en quelques secondes, obtenir les connaissances d’un médecin. La puce pourra même prendre le contrôle de son corps pour pratiquer les gestes adéquats, lui donner les bonnes réponses et tout le savoir nécessaire pour les comprendre. C’est un progrès phénoménal, mais qui soulève tant de questions et de problématiques.
Une étude intéressante a été réalisée auprès d’une IA médicale. Cette dernière a établi des diagnostics plus justes que ceux de médecins sur l’étude d’un même cas. Pire encore, lorsque l’IA travaillait seule, elle était plus rationnelle que lorsqu’elle était secondée par un médecin humain. Cela soulève tout de même de sacrées questions.
En résumé, une puce pourrait, un jour, être capable de prendre le contrôle de notre système nerveux et de nos pensées ?
Ce qui est paradoxal, c’est que pour le moment, un robot n’arrive pas à reproduire la complexité de nos gestes, mais en prenant le contrôle de nos mains et réaliser ces opérations complexes avec plus de précision. Cela ressemble à de la science-fiction, mais nous n’avons jamais été aussi proche d’une telle réalité. Si on commence à raccorder l’IA à des êtres humains, nous allons obtenir des êtres humains nettement augmentés, qui auront sans doute une bien meilleure valeur sur le marché. AU début, les gens seront réfractaires à l’idée de s’implanter une puce, mais ils se retrouveront très vite dépassés, ne serait-ce que sur le marché du travail. Même des gens qui auront fait des études se retrouveront bloqués dans leur secteur d’activité. Nous pouvons même imaginer que l’idée peinera à faire son chemin dans nos pays occidentaux, la population étant très attachée à l’aspect humain et authentique des choses. Ce ne sera certainement pas le cas d’autres pays beaucoup plus orientés sur la productivité et dont les libertés individuelles sont moins respectées. Je pense entre-autre aux pays d’Asie qui sont déjà très friands de technologies IA et de robotique. Que se passera-t-il lorsque la concurrence entre humains augmentés sera inégalable par les humains normaux ? Que se passera-t-il lorsqu’un recruteur exigera une personne augmentée pour tel ou tel poste ?
On peut même aller plus loin. Je pense que demain, l’humain ne fera plus d’études. La question est de savoir sur quels critères nous définirons qui sera chirurgien et qui sera plombier. Le scénario le plus positif consiste à penser que nous n’aurons plus besoin de travailler, que notre temps sera consacré aux loisirs et au divertissement, que l’aspect travail sera totalement automatisé, faisant de nous des êtres libres.
Si demain, l’être humain, comme force de production devient uniquement une bouche à nourrir, dans un monde aux ressources limitées, ne prend-on pas le risque de passer d’utile à gênant ?
On peut déjà se poser la question du remplacement de l’humanité dans sa globalité. Cela pose la question de savoir si nous sommes en mesure de produire assez de machines pour cela. En cela, une puce est bien plus petite et moins coûteuse.
Il y a aussi l’option de dire stop et de ne pas aller plus loin. Certains tiennent ce discours aujourd’hui. Cependant, comme pour l’arme nucléaire, une fois que la technologie existe, il y a ceux qui vont la maîtriser et les autres. Il faudrait que tout le monde, accepte de stopper la recherche conjointement, mais l’histoire nous prouve que le Monde ne fonctionne pas ainsi. Peut-être faut-il songer à créer une autorité de l’IA qui définirait ce qui est autorisé ou non. Et là, nous prenons également le risque qu’une partie de la société y ait accès et une autre non.
Ce qui est impressionnant, c’est de voir l’évolution de l’impact de l’informatique dans nos vies. Cette révolution est déjà incroyable entre 1950 et 2020, mais ce qui s’est passé ces 4 dernières années défraye la chronique. Il y a un effet exponentiel qui laisse penser que si l’évolution des technologies reste sur cette dynamique, nous allons assister à des bouleversements non plus tous les 10 ans, mais d’une année à l’autre. Beaucoup de gens ne vont pas réussir à suivre. Cela soulève un vrai déséquilibre entre les populations. Des catégories entières de gens seront totalement déconnectés des autres. L’IA va également pouvoir faire des recherches et découvrir des choses en un temps records, plus vite qu’aucun humain ne saurait le faire, comme découvrir de nouveaux vaccins, de nouveaux matériaux, de nouvelles méthodes. Elle a d’ailleurs déjà inventé de nouveaux matériaux que l’homme doit encore tester. Elle met moins de temps à découvrir que nous en mettons à valider ses découvertes.
Mathieu Bruneau MB informatique
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