Michelle Kunegel : LK Tours / Europatours
Une jeune entreprise de 90 ans
Il s’en passe des choses en 90 ans. L’histoire de Kunegel débute en 1934, un an avant la Grande guerre, ça place immédiatement le décor. Mais lorsqu’on entre dans les locaux de l’entreprise, la presque centenaire ne semble pas ridée, loin de là. Une équipe jeune qui m’appelle Monsieur, un cadre moderne et dynamique et Michelle Kunegel qui m’accueille avec sourire et bonne humeur. Autant dire que la marque a mis l’âge au service de l’expérience, car c’est avec une vision d’avenir et des offres orientées vers un public toujours plus jeune qu’elle avance. L’autocar n’est plus le moyen de locomotion de Mamie, désormais, il est un lieu d’échange et de rencontre répondant aux enjeux climatiques et un outil de voyage encore sous-estimé qui offre des opportunités auxquelles on ne s’attend pas. Open a rencontré Michelle et elle vous explique tout.
Bonjour Michèle Kunegel, qui êtes-vous ?
Je suis une femme d’entreprise et fière de l’être. J’ai bientôt 57 ans et je codirige les entreprises LK avec mon frère Daniel Kunegel. Nous sommes la troisième génération et nous baignons dans le transport depuis la naissance qui a été lancée par mon grand-père Nicolas, suivi par mes parents, Lucien et Marie Anne qui ont développé la société. Je suis également maman de 3 enfants, dont 2 ont déjà rejoint l’entreprise. Malgré tout, j’ai exploré d’autres horizons jusqu’à mes 40 ans, période durant laquelle j’ai travaillé dans le tourisme. J’ai géré des groupes et représenté un voyagiste français à Dubrovnik. J’ai vécu certains moments difficiles qui m’ont forgée et m’ont permis de me prouver que je pouvais accomplir des choses en dehors du cadre de l’entreprise familiale.
Les entreprises LK, c’est quoi ? Quelle histoire y a-t-il derrière le nom Kunegel ?
Derrière les entreprises LK, il y a 10 entreprises de transport, 2 réseaux d’agences de voyage, plus de 800 salariés, près de 550 autocars et surtout, une présence dans le quotidien d’un grand nombre d’Alsaciens, puisque nous véhiculons des enfants vers l’école, jusqu’aux grands-parents ou arrières-grands-parents, dans le cadre d’un voyage. Nous fêtons nos 90 ans cette année et l’histoire débute en 1934 à Niederentzen, avec mon grand-père Nicolas Kunegel. Pour vous replacer le contexte, à cette époque, il y avait peu de véhicules. Il a donc décidé d’acheter un petit camion-remorque, afin de transporter le lait du village vers le marché de Colmar. Petit à petit, certains habitants ont manifesté le besoin de se rendre également en ville, il a alors commencé à les emmener avec lui. C’était assez amusant, puisqu’il covoiturait des riverains avec des bidons de lait, et parfois même, des cochons. Progressivement, le pourcentage de personnes à convoyer a dépassé les besoins en lait. Mon grand-père a alors décidé d’investir dans des autocars et de développer le transport de voyageurs. L’histoire débutait.
Dans les années 60, durant la période de la construction du Canal d’Alsace, mon père, Lucien, a rejoint l’aventure. Beaucoup d’entreprises avaient besoin de cars pour transporter leurs collaborateurs de la maison à l’usine, la voiture n’étant pas encore accessible comme aujourd’hui. Cependant, les cars avaient un coût important et l’amortissement ne se faisait pas, en raison de leur immobilisation les week-ends. Ce fut une période de forte croissance opérée par mes parents, Lucien et Marie Anne. L’idée est alors venue à mon père de développer le transport de loisir. Il s’agissait, tout d’abord, de pèlerinages journaliers en Suisse ou en Allemagne, puis progressivement, d’autres destinations moins axées sur la religion ont été proposées. Après cela, nous avons développé le ramassage scolaire, ainsi que des lignes régulières entre les différents localités. Les gens nous confondent souvent avec les bus jaunes du même nom, ceux avec le kangourou. Il faut savoir que cette société a été créée par l’un des frères de mon grand-père du côté d’Altkirch. Ils ont, plus tard, été rachetés.
Le développement du groupe s’est fait essentiellement avec le rachat de con-frères. C’est dans cette dynamique que nous avons racheté notre plus grand concurrent, Europatours, en 2012, pour devenir l’un des leaders du voyage en Alsace. Coté transport, les acquisitions furent nombreuses au fil du temps : Sodag (Société des autocars de Guebwiller), Chopin et Heitz qui étaient également des sociétés familiales, les autocars Zimmermann dans la Vallée de Thann, Eurocar Horn sur le Territoire de Belfort, Metrocar à Saint-Louis qui gère entre autres le réseau urbain Distribus. Kunegel a également ouvert un nouveau dépot dans le Bas-Rhin et travaille en liaison avec la CTS et la CTBR.
Toutes ces marques ont une histoire que nous avons à cœur de faire perdurer. L’idée n’était pas de les absorber, mais de travailler dans la continuité. Ces entreprises ont existé pendant des décennies et nous sommes fiers de leur permettre de durer. En résumé, nous fonctionnons un peu comme une mutualisation de ces PME de proximité visant à favoriser la mobilité en Alsace. De plus, le Groupe LK repose sur des capitaux 100% privés et alsaciens.
Aujourd’hui, nous transportons 120 000 personnes par jour ! 30% de notre activité concerne le transport scolaire, 27% les lignes régulières, 27% les réseaux urbains, tels que Distribus à Saint-Louis, le TIS à Sélestat ou Optimo à Belfort, 10% le transport occasionnel et touristique et 7% le transport de personnel ouvrier de grandes entreprises.
Le transport est dans le collimateur des politiques depuis un moment, on vous accuse d’être des pollueurs. Qu’en pensez-vous ?
Tout d’abord, 50 personnes qui voyagent en bus polluent moins que 50 personnes qui voyagent en voiture. Mais surtout, afin de répondre aux exigences de l’Europe sur le sujet du réchauffement climatique, nous devons nous poser les bonnes questions. L’électrique n’est pas une solution pour nous et pose encore de vrais problèmes, notamment sur l’impact humain et environnemental lié à la production des batteries.
Aujourd’hui, notre réponse à ces enjeux est le HVO (Hydrotreated Vegetable Oil). Il s’agit d’un biocarburant paraffinique de synthèse, fabriqué à partir d’huiles usagées qui sont récupérées au nord de l’Europe. Il vient remplacer notre consommation de gasoil fossile et permet de réduire les émissions de CO2 d’au moins 85% et les émissions de particules fines de 30%. Cette solution nous a conquis et nous avons immédiatement passé un contrat avec la société Bolloré Énergies qui s’engage à nous ravitailler. Les avantages de ce carburant sont multiples et parfaitement adaptés à notre secteur d’activité. Il est adapté à nos moteurs et nous a permis de conserver notre flotte de véhicules. De plus, le mélange avec le gasoil n’est pas un problème, donc, si l’un de nos bus n’est pas en mesure de se réapprovisionner en HVO, il peut simplement faire le plein avec du diesel.
Ce choix s’est fait suite à un appel d’offre de la Région Grand-Est, en 2022, qui est notre principal client. Ces derniers avaient de réelles attentes sur le plan écologique et nous avons su apporter la meilleure réponse en passant 350 de nos autocars sur cette solution. Pourtant, notre démarche responsable est en place depuis 2011. Nous avons obtenu des labels tels qu’Alsace Excellence ou encore le prix sur l’engagement de nouvelles énergies et la préservation de l’environnement.
Le monde du transport, et particulièrement celui du voyage ont été chamboulés par la vague de Covid. Quels changements cela a-t-il amenés à votre métier et à la manière dont les gens voyagent ?
La période a été très difficile, nous avons subi une perte de 85 % de notre chiffre d’affaires pour les réseaux tourisme que nous dirigeons, LK Tours et Europatours, et nous avons bien pensé ne pas survivre. C’est l‘énergie collective de tous qui a permis de surmonter cette crise sans précédent. Même s’il m’est encore difficile de parler de cette période, car elle anime encore des souvenirs douloureux, elle est une note d’espoir, car elle m’a prouvé que nous étions une entreprise tournée autour de l’humain et de ce qu’il est capable d’offrir de mieux.
Je dis cela, car nous avons bien fait de ne rien lâcher, 2023 a été une année exceptionnelle et 2024 prend le même chemin. Nous vivons notre plus belle année en termes de volume d’affaires, et je ne parle pas que de LK Tours ou d’Europatours, mais c’est le cas pour absolument tous nos confrères. Il y a une frénésie du voyage. Souvent, les gens nous expliquent qu’ils veulent vivre un rêve qu’ils ne se sont pas autorisés à réaliser auparavant, un peu comme s’ils se considéraient chanceux d’être encore en vie et qu’ils décidaient d’en profiter au maximum. Ce n’est pas tant le nombre de clients qui augmente que les moyens qu’ils consacrent à leur projet. Nous n’avons jamais vu autant de départs pour le Japon ou la Polynésie. Ils veulent partir loin et vivre une expérience exceptionnelle.
Dans notre activité, il y a ce qu’on appelle l’outgoing qui consiste à faire voyager les clients vers l’extérieur, et l’incoming, c’est-à-dire sur le territoire. L’outgoing a littéralement explosé. C’est d’autant plus surprenant que les prix des vols ont, eux aussi, augmenté depuis le Covid.
Nous observons également un changement significatif dans la vision que les gens ont du voyage en car. Ce dernier jouit d’un succès grandissant depuis quelque temps, à tel point qu’il intéresse désormais un public plus jeune, qui a compris que ce moyen de partir en vacances, pouvait également favoriser les rencontres et les échanges. De plus, il offre un meilleur rapport qualité/prix que le transport aérien, ce qui offre une alternative aux plus petits budgets.
Quelles sont les objectifs du Groupe pour les années à venir ?
Notre objectif principal est, justement, de développer l’offre autocar à travers 4 produits innovants et écoresponsables que nous proposons. Ces derniers rencontrent un franc succès, mais méritent d’être encore plus connus.
Il y a tout d’abord Moov’inbus, ce sont des voyages à la journée en autocar. Ce projet est né en 2016, suite à la loi Macron qui visait à démocratiser l’autocar. Nous voulions proposer quelque chose de plus pertinent qu’un simple aller/retour vers l’aéroport de Stuttgart. L’idée est donc d’affréter un bus vers une destination. On part tôt le matin, on rentre tard le soir, parfois même le lendemain matin, mais on s’offre une journée de visite ou de shopping loin de chez soi pour un prix défiant toute concurrence. Notre produit phare, c’est une journée à Milan aller/retour pour environ 57€ par personne. Vous arrivez à 10h du matin et repartez le soir à 20h. Nos bus sont pleins, le succès de l’opération est total. Nous proposons également des journées à Heidelberg, au Lac de Constance ou même au Lac de Côme. Une fois sur place, nous donnons aux gens un petit roadbook avec les points intéressants à voir, de manière à leur donner un maximum d’autonomie.
Nous avons, ensuite, développé une autre marque qui s’appelle «Cap Vers l’Est» et qui s’adresse à un public B2B. J’ai vécu à Dubrovnik et je me suis rendu compte que sur le marché français, il n’y avait pas de vrai opérateur voyage qui proposait les pays de l’ex-Yougoslavie. Nous proposons donc des voyages culturels francophones à destination de la Croatie, Serbie, Slovénie, Montenegro, Macédoine, Albanie, du Danube et des Balkans. Nous pouvons, par exemple, proposer des nuits dans un monastère orthodoxe, ou d’autres lieux insolites, souvent inaccessibles pour les voyageurs lambdas. Notre directeur de production vit à Zagreb et est un excellent guide.
D’une manière plus locale, nous avons également créé la marque Lisela, qui est une agence réceptive nouvelle génération. Je parlais d’incoming, nous sommes sur ce créneau. L’idée est de proposer à des étrangers ou des français de découvrir le Grand Est (Alsace, Lorraine, Champagne). Pourquoi nouvelle génération ? Car cette offre fonctionne sur la base de coffrets voyages, avec des offres packagées prédéfinies, à la différence que vous avez un vrai service de proximité du Groupe LK Tours et nous pouvons régler les petits détails de votre heure d’arrivée et ajuster le séjour en fonction de vos besoins.
Enfin, nous proposons aujourd’hui de vivre des micro-aventures avec notre bus drop-on drop-off Kut’zig qui sillonne la Route des Vins d’Alsace, proposant des visites guidées de caves, de musées ou des dégustations. C’est une belle occasion de découvrir notre région et son patrimoine viticole, sans prendre le risque de conduire, tout en ayant la certitude de découvrir des lieux et des produits qualitatifs et représentatifs de notre terroir.
En résumé, le voyage a de beaux jours devant lui et notre métier, mais aussi notre mission sont d’accompagner les gens vers des moments de bonheur.
Michelle Kunegel
LK Tours / Europatour
42 rue des Jardins
68000 COLMAR
info@lktours.fr
+33 3 89 24 65 50
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