Christophe Richert Besoin d’R Production
être réalisateur, c’est se poser les bonnes questions
Bonjour Christophe, qui es-tu ?
Et bien, je suis ce qu’on appelle un vidéaste. Ça fait 30 ans que je suis dans l’audiovisuel. Après un bac scientifique obtenu en 1992, je suis parti 3 années en école de cinéma à Nice où j’ai appris le métier de réalisateur. Vers la fin des années 80, j’étais plus orienté sur une activité de DJ. J’animais avec mes potes des soirées. Du coup après mon BAC j’imaginais plutôt entrer dans la profession par les métiers du son. Je me rappellerais toujours mon prof de technique cinéma qui disait : «Vous savez, quand vous entrez dans une école d’audiovisuel, vous entrez avec un projet et vous sortirez peut-être avec une autre casquette». C’est exactement ce qui s’est passé ! Au bout de la première année, j’ai finalement développé plus d’affinités avec les métiers de l’image qu’avec ceux du son.
Que faut-il pour réaliser un bon film ?
Bien entendu, dans le monde de la vidéo, il est impératif de maîtriser tous les éléments qui constituent un film. Ça commence par l’écriture, puis vient l’image, l’environnement sonore, le montage et l’habillage que l’on nomme très souvent par l’anglicisme «motion design» qui consiste en l’animation d’éléments graphiques et de titres. Il faut donc maîtriser ou avoir une connaissance technique de chaque ingrédient d’un film. Ce dernier va aussi être fait de mots, et donc de présences humaines. Il faut donc également diriger des comédiens, des voix off, des mannequins, ou même des figurants. Et puis il y a ceux qui ne sont pas des professionnels de l’image. On parle ici de chefs d’entreprise, de personnalités politiques, etc. Il va falloir valoriser ces gens, leur permettre d’avoir une certaine aisance devant la caméra. Le challenge, c’est d’arriver à les mettre en situation et en confiance pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, qu’ils expriment ce qu’ils sont ou ce qu’ils représentent. Je pense qu’aujourd’hui il faut remettre l’humain au centre, comme ça a toujours été le cas. Bien sûr, on va parler des produits, des services, ça fait partie du projet de film, mais ce sont finalement les gens qui doivent être au centre de la vidéo. Certaines sociétés que j’ai pu accompagner parlent en fait de valeur immatérielle. Le terme peut paraître pompeux, mais c’est une réalité. On parle beaucoup d’IA aujourd’hui, mais même derrière l’intelligence artificielle, il y a d’abord des humains. Pour conclure, je dirais que pour réussir un bon film il faut d’abord se poser les bonnes questions et du coup on en revient d’abord à la base, l’écriture. C’est le point de départ d’un projet réussi.
Peux-tu nous parler de ton expérience ?
Dans le paysage audiovisuel mulhousien ou même d’ailleurs, je pense que je me qualifierais de pluridisciplinaire. J’ai fait une école de cinéma et j’ai à peu près une vingtaine de courts-métrages à mon actif en tant que chef opérateur dans le début de ma carrière parce qu’au départ, j’étais effectivement plus parti pour faire du cinéma. À l’issue de mes études et contrairement à d’autres de mes amis, je ne suis pas parti à Paris, pour des raisons personnelles, j’ai dû rester en Alsace. J’ai donc revu ma copie et laissé pour un temps s’envoler ce rêve de cinéma. Cela étant dit, je n’exclus pas d’y revenir, des projets sont d’ailleurs en cours. À partir de 1997, je suis donc entré dans les métiers de la télé. Après quelques reportages et documentaires en tant que cadreur, je me suis retrouvé inscrit au planning de France Télévisions en 2000, où j’interviens encore aujourd’hui. J’ai également travaillé pour le Parlement Européen à partir de 2004, ainsi que pour Arte ou Canal+ à la même période. Ces expériences sont extrêmement formatrices parce que, comme dans le cinéma, elles nous obligent à atteindre un haut niveau d’exigence. Du coup, c’est un savoir-faire que je peux mettre à profit pour mes clients. En 2003, j’ai ainsi créé ma première entreprise, conjointement avec ma compagne qui était photographe. En 2017, elle arrête la photo et je dois repartir avec mon bâton de pèlerin pour fonder une nouvelle structure qui s’appelle Besoin d’R Production et qui vise à apporter des solutions corporate et institutionnelles, tout en continuant de travailler pour les chaînes de télévision. Je slalome entre mes différentes casquettes professionnelles pour proposer de la réalisation de films d’entreprise, de reportages, de documentaires, je mets en place des plateaux TV, je réalise des prestations multi¬caméras notamment pour de la captation de concerts, ou des retransmissions en live Facebook. On a pu en apprécier un certain nombre durant la période du COVID. C’est vrai qu’Internet a permis de beaucoup développer le paysage audiovisuel et nous pousse à écrire différemment aujourd’hui, pour répondre aux besoins divers.
Quelle est l’utilité d’une vidéo pour une entreprise ?
C’est un vaste débat, et c’est d’ailleurs LA bonne question ! Il est important de s’interroger sur le sens que l’on veut donner à son projet vidéo, à quoi elle va répondre, ce qu’elle doit apporter, à qui elle va s’adresser, et sur quel support elle va être diffusée. Une fois qu’on a réussi à définir clairement les objectifs, la réalisation, pour moi, tombe sous le sens. Que faut-il avoir retenu du visionnage ? Donc la réponse à ta question, c’est compliqué parce qu’il n’y a pas une réponse. Tout va dépendre des besoins du client et du profil de la cible. Je me rappelle d’une vidéo que j’avais faite pour la société Synerglace qui est un bel exemple de réussite. Il s’agit d’une société qui pose des patinoires, principalement éphémères durant les festivités de fin d’année. C’est une activité très particulière et les gens ne se rendent pas toujours compte de ce qui se passe en coulisses, et en fait c’est une infrastructure énorme avec une logistique incroyable. C’est ce que nous avons cherché à présenter à travers le film. Cette approche est importante parce qu’elle assoit la crédibilité de l’entreprise et rassure ses clients. Il est impératif de comprendre que lorsqu’ils vont investir un certain budget, il doit y avoir des garanties et des moyens à la hauteur de leur exigence. C’est également vrai en ce qui me concerne. Réaliser un film représente un budget. De l’écriture à la mise en œuvre, chaque étape est importante et nécessite des moyens, mais la première est fondamentale et c’est l’écoute !
Comment perçois-tu l’évolution de la vidéo et comment imagines-tu ton métier dans 5 ou 10 ans ?
Je te remercie clairement pour cette question. Aujourd’hui, on ne peut pas faire l’impasse sur la vidéo, elle est partout et l’évolution technologique a démultiplié le nombre des supports de diffusion. Beaucoup de gens pensent d’ailleurs qu’il suffit d’avoir une caméra, voire un smartphone pour savoir filmer. Ce n’est pas aussi simple, parce qu’il faut répondre à des questions, être dans la tendance, avoir une esthétique dans son image, et encore plein d’autres facteurs techniques qui font la qualité d’un film. La vidéo sera toujours là, par contre je suis incapable de te dire aujourd’hui quelles seront les tendances de demain ou comment on va filmer.
Quels conseils donnerais-tu à un vidéaste qui se lance ?
Il faut savoir s’entourer des bonnes personnes, avoir un bon comptable, un bon banquier et de bons collaborateurs sur lesquels tu peux te reposer. Mais surtout, il faut s’entourer des bonnes valeurs humaines plus que jamais, savoir se faire confiance. Attention tout de même aux fausses bonnes idées. S’écouter, c’est une chose, mais il faut aussi laisser le temps de maturer certaines idées, vérifier le lendemain si elles font toujours écho, ne pas hésiter à en parler avec ses collaborateurs de confiance et à se remettre en question.
En tant que réalisateur, quel film doit-on, selon toi, voir au moins une fois dans sa vie ?
Je peux te raconter une anecdote sur Pulp Fiction sorti en 1994. J’étais en plein dans mes études à l’ESRA et j’ai eu la chance d’avoir un intervenant qui était seulement de 4 ans mon aîné, et avec lequel j’ai bien accroché. Il m’a un peu pris sous son aile et m’a donné la possibilité de l’assister sur une intervention au Festival de Cannes, à la prise de son en tant que perchman. On est donc parti en reportage pour une TV japonaise à l’Eden-Roc d’Antibes, qui est un des plus beaux hôtel de luxe de la Côte d’Azur. On devait faire une interview à l’américaine, c’est-à-dire qu’on s’installe sur un pool TV, et ce sont les acteurs qui passent de l’un à l’autre des médias présents. J’étais le seul avec ma perche, les autres avaient des micros cravates avec cordelettes qu’il passaient autour du cou des acteurs. Il se trouve qu’on allait faire l’interview de toute l’équipe de Pulp Fiction. Bien sûr à ce moment-là, on ne savait pas encore ce qu’allait devenir le film. Là, j’ai donc vu défiler Bruce Willis, John Travolta et Quentin Tarantino. J’avais 21 ans et j’étais tout penaud. À un moment, Quentin remerciait toute son équipe et comme j’étais là à ses pieds avec ma perche et le casque sur les oreilles, il m’a mis un grand coup sur l’épaule en disant «Ouais et notamment les ingés son !». C’est une toute petite anecdote, mais elle est mémorable, surtout quand on sait ce qu’a donné le film, puisqu’il a remporté la Palme d’Or du Festival de Cannes 1994. Pour en revenir au film, c’est une référence dans sa construction, il est vraiment super intéressant.
Christophe Richert
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